• Celui que l'Amour range à son commandement
    Change de jour en jour de façon différente.
    Hélas ! j'en ai bien fait mainte preuve apparente,
    Ayant été par lui changé diversement.

    Je me suis vu muer, pour le commencement,
    En cerf qui porte au flanc une flèche sanglante,
    Depuis je devins cygne, et d'une voix dolente
    Je présageais ma mort, me plaignant...

  • Si la vierge Erigone, Andromède, et Cythère,
    Astres pleins d'amitié, bénins et gracieux,
    Font le ciel plus aimable, et l'embellissent mieux
    Que le noir Scorpion, l'Hydre et le Sagittaire,

    Pourquoi ne changez-vous ce courage adversaire ?
    Pourquoi ne sont plus doux vos propos et vos yeux ?
    Pourquoi vous adorant m'êtes-vous si contraire ?
    Pourquoi me...

  • L'âpre fureur de mon mal véhément
    Si hors de moi m'étrange et me retire
    Que je ne sais si c'est moi qui soupire,
    Ni sous quel ciel m'a jeté mon tourment.

    Suis-je mort ? Non, j'ai trop de sentiment,
    Je suis trop vif et passible au martyre.
    Suis-je vivant ? Las ! je ne le puis dire,
    Loin de vos yeux par qui j'ai mouvement !

    Serait-ce un...

  • Philis, quand je regarde au tems promt et leger
    Qui derobe soudain nos coulantes années,
    Je commence à conter les saisons retournées,
    Qui viennent tous les jours nos beaux jours abreger.

    Car ja quarante fois nous avons veu loger
    Le soleil au Lion des plus longues journées,
    Depuis que nous avons nos amours demenées
    Soubz la foy qui nous fist l'un à l'...

  • Ô Vent plaisant, qui d'haleine odorante
    Embaumez l'air du baume de ces fleurs !
    Ô Pré joyeux, où versèrent leurs pleurs
    Le bon Damoete et la belle Amaranthe !

    Ô Bois ombreux, ô Rivière courante,
    Qui vis en bien échanger leurs malheurs,
    Qui vis en joie échanger leurs douleurs,
    Et l'une en l'autre une âme respirante !

    L'âge or'leur fait...

  • Ici seul je me plains, Ô Fresnaie-au-Sauvage,
    A toi de mes ennuis ; et ce bois m'est témoin,
    Ces champs et ces beaux prés, du lamentable soin
    Qui souvent m'accompagne au bord de ce rivage.

    Quand je me vois, Fresnaie, en ton bois, en l'ombrage,
    Racontant ma tristesse en quelque sombre coin,
    Je suis comme un rocher, hors du péril au loin,
    Qui bien aise...

  • Amour, tais-toi, mais prends ton arc ;
    Car ma biche belle et sauvage,
    Soir et matin, sortant du parc,
    Passe toujours par ce passage.

    Voici sa piste, ô la voilà !
    Droit à son coeur dresse ta vire,
    Et ne faux point ce beau coup-là,
    Afin qu'elle n'en puisse rire.

    Hélas ! qu'aveugle tu es bien !
    Cruel, tu m'as frappé pour elle.
    Libre...

  • Mon Du Pont Bellenger, ô que vous fûtes sage
    D'avoir votre pays quitté pour quelque temps !
    Depuis votre départ cent mille mal contents
    Ont la France rempli d'une cruelle rage.

    France, qui devient or' comme un désert sauvage
    Par la barbare main de tant de combattants,
    Les frères en leur sang leurs mains ensanglantant,
    Contre leur mère encor...

  • Frêne hautain, forestier et champêtre
    L'arbre premier de tant d'arbres divers,
    L'arbre immortel au renom de mes vers,
    L'arbre aux serpents toujours odieux maître ;

    Le coudre rompt, mais tu te fais connaître
    Propre à la guerre et jamais de travers
    De toi tortu les monts ne sont couverts,
    Ains haut et droit toujours as voulu naître ;

    Je fais...

  • Seigneur, je n'ai cessé, dès la fleur de mon âge,
    D'amasser sur mon chef péchés dessus péchés ;
    Des dons que tu m'avais dedans l'âme cachés,
    Plaisant, je m'en servais à mon désavantage.

    Maintenant que la neige a couvert mon visage,
    Que mes prés les plus beaux sont fanés et fauchés,
    Et que déjà tant d'ans ont mes nerfs desséchés,
    Me ramentai le mal...