• Ces nobles d'autrefois dont parlent les romans,
    Ces preux à fronts de boeuf, à figures dantesques,
    Dont les corps charpentés d'ossements gigantesques
    Semblaient avoir au soi racine et fondements ;

    S'ils revenaient au monde, et qu'il leur prît l'idée
    De voir les héritiers de leurs noms immortels,
    Race de Laridons, encombrant les hôtels
    Des ministres...

  • "Ce roc voûté par art, chef-d'oeuvre d'un autre âge,
    Ce roc de Tarascon hébergeait autrefois
    Les géants descendus des montagnes de Foix,
    Dont tant d'os excessifs rendent sûr témoignage."

    O seigneur Du Bartas ! Je suis de ton lignage,
    Moi qui soude mon vers à ton vers d'autrefois ;
    Mais les vrais descendants des vieux Comtes de Foix
    Ont besoin de...

  • Tu demandes pourquoi j'ai tant de rage au coeur
    Et sur un col flexible une tête indomptée ;
    C'est que je suis issu de la race d'Antée,
    Je retourne les dards contre le dieu vainqueur.

    Oui, je suis de ceux-là qu'inspire le Vengeur,
    Il m'a marqué le front de sa lèvre irritée,
    Sous la pâleur d'Abel, hélas ! ensanglantée,
    J'ai parfois de Caïn l'implacable...

  • Il était un roi de Thulé
    A qui son amante fidèle
    Légua, comme souvenir d'elle,
    Une coupe d'or ciselé.

    C'était un trésor plein de charmes
    Où son amour se conservait :
    A chaque fois qu'il y buvait
    Ses yeux se remplissaient de larmes.

    Voyant ses derniers jours venir,
    Il divisa son héritage,
    Mais il excepta du partage
    La coupe...

  • Je pense à toi, Myrtho, divine enchanteresse,
    Au Pausilippe altier, de mille feux brillant,
    À ton front inondé des clartés de l'Orient,
    Aux raisins noirs mêlés avec l'or de ta tresse.

    C'est dans ta coupe aussi que j'avais bu l'ivresse,
    Et dans l'éclair furtif de ton oeil souriant,
    Quand aux pieds d'lacchus on me voyait priant,
    Car la Muse m'a fait l'un...

  • Névralgie

    I

    Jusques à mon chevet me poursuit mon idée
    Fixe : toutes les nuits j'en ai l'âme obsédée.
    Pour noyer au sommeil ce démon flétrissant,
    Des sucs de l'opium le charme est impuissant.
    Au seuil de mon oreille, une voix sourde et basse
    Comme l'essoufflement d'un homme qui trépasse
    Murmure : Pauvre fou ! sois d'airain désormais....

  • Rodomontade

    Il était appuyé contre l'arche massive
    De ce vieux pont romain, dont la base lascive
    S'use aux attouchements des flots :
    L'astre des nuits lustrait son visage Dantesque,
    Et le Nord dérangeait son manteau gigantesque
    Avec de sauvages sanglots.

    À voir son crâne ardu, sa fauve chevelure,
    De son cou léonin la musculeuse allure,...

  • Dandysme

    I

    C'est l'heure symphonique où, parmi les ramures,
    Roulent du rossignol les tendres fioritures ;
    L'heure voluptueuse où le coeur des amants,
    Au seuil du rendez-vous, double ses battements.
    Des murmures du soir les merveilles suaves
    D'un mol enivrement chargent les sens esclaves.
    L'atmosphère est sans brume, et, dans ses...

  • Nécropolis

    Sur la terre on est mal : sous la terre on est bien.
    (PETRUS BOREL)


    I

    Voici ce qu'un jeune squelette
    Me dit les bras croisés, debout, dans son linceul,
    Bien avant l'aube violette,
    Dans le grand cimetière où je passais tout seul :

    II

    Fils de la solitude, écoute !
    Si le Malheur, sbire cruel,
    ...

  • Et je m'étais fait une vie
    Si digne d'amour ou d'envie,
    Une vie à décourager
    Tout coeur qui lutte ou dissimule,
    Tout adversaire ou tout émule,
    Cerveau pensif ou coeur léger.

    Maintenant ma vie est en cendres.
    Ses trois merveilles les plus tendres
    Ont flambé comme plume au feu
    Et ma dernière destinée
    Était morte avant d'être née,...