• C'est le premier matin du monde.
    Comme une fleur confuse exhalée de la nuit,
    Au souffle nouveau qui se lève des ondes,
    Un jardin bleu s'épanouit.

    Tout s'y confond encore et tout s'y mêle,
    Frissons de feuilles, chants d'oiseaux,
    Glissements d'ailes,
    Sources qui sourdent, voix des airs, voix des eaux,
    Murmure immense,
    Et qui pourtant est du...

  • Sur la plage sonore où la mer de Sorrente
    Déroule ses flots bleus aux pieds de l'oranger
    Il est, près du sentier, sous la haie odorante,
    Une pierre petite, étroite, indifférente
    Aux pas distraits de l'étranger !

    La giroflée y cache un seul nom sous ses gerbes.
    Un nom que nul écho n'a jamais répété !
    Quelquefois seulement le passant arrêté,
    Lisant l...

  • Amour, lors que premier ma franchise fut morte,
    Combien j'avois perdu encor je ne sçavoy,
    Et ne m'advisoy pas, mal sage, que j'avoy
    Espousé pour jamais une prison si forte.

    Je pensoy me sauver de toy en quelque sorte,
    Au fort m'esloignant d'elle ; et maintenant je voy
    Que je ne gaigne rien à fuir devant toy,
    Car ton traict en fuyant avecques moy j'...

  • Comme un verre intact, avant l'heure
    Où le remplira l'échanson,
    Au plus léger coup qui l'effleure
    Vibre d'un sonore frisson,

    Mais pour la fugitive atteinte
    N'a plus de soupir cristallin,
    Et ne tressaille ni ne tinte
    Sans aucun heurt dès qu'il est plein,

    Le jeune coeur, vivant calice,
    Frémit plaintif au moindre appel,
    Avant que...

  • I

    Nous nous étions connus tout petits à l'école.
    Comme son père était de mon père voisin,
    Nous partions tous les deux sac au dos le matin
    Nos têtes s'encadraient d'une même auréole.

    Dans la rose candeur du sourire enfantin,
    Nous étions bons amis. Quand les flots du Pactole
    Roulaient chez l'un de nous, par hasard, une obole,
    Nous divisions...

  • Toujours tout droit, sans rien regarder, ils cheminent.
    Les paysans hargneux de coin les examinent,
    Et les enfants poltrons se mettent sur un rang
    Pour les voir. Car ces gueux n'ont pas l'air rassurant.
    Et pourtant ils ne sont que trois, ces trouble-fête,
    Et le plus vieux des trois, celui qui marche en tête,
    N'a pas treize ans. Mais comme ils sont fauves,...

  • Italie, Italie, ô terre où toutes choses
    Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
    Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
    Des sorbets à la neige et des ballets divins !

    Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
    Voici qu'on pense à toi, car voici venir mai,
    Et nous ne verrons plus les redingotes longues
    Où tout parfait dandy...

  • La voici donc recluse en cette grotte sombre,
    Comme les morts du siècle ensevelis dans l'ombre,
    N'y voyant rien du tout des yeux de son esprit,
    Que l'amour et la mort de son cher Jésus-Christ.
    Ils lui servent tous deux comme d'un double livre,
    Dont l'un la fait mourir, et l'autre la fait vivre ;
    Considérant toujours sur ce portrait divers
    Ou le beau de...

  • Ce premier jour du mois de may,
    Quant de mon lit hors me levay
    Environ vers la matinee,
    Dedans mon jardin de pensee
    Avecques mon cueur seul entray.

    Dieu scet s'entrepris fu d'esmay* !
    Car en pleurant tout regarday
    Destruit d'ennuyeuse gelee,
    Ce premier jour du mois de may,
    Quant de mon lit hors me levay.

    En gast** fleurs et...

  • Le premier jour du mois de may
    Trouvé me suis en compaignie
    Qui estoit, pour dire le vray,
    De gracieuseté garnie ;
    Et pour oster merencolie
    Fut ordonné qu'on choisiroit,
    Comme Fortune donneroit,
    La fueille plaine de verdure
    Ou la fleur pour toute l'annee.
    Si prins la fueille pour livree,
    Comme lors fut mon aventure.

    Tantost...