Alpes ! forêts, glaciers ruisselants de lumière,
Sources des grandes eaux où j’ai bu si souvent,
Sommets ! libres autels où, dans ma foi première,
J’ai respiré, senti, touché le Dieu vivant ;

Où la terre a pour moi dénoué sa ceinture,
Où, dans ses bois obscurs, j’...

O sereine beauté des cimes couronnées
Par l’azur qui baignait le front des Pyréncés…

Depuis que j’erre ainsi, plante déracinée,
Au gré du vent, du flot, de l’heure ou de l’année,
Sans jamais espérer de revenir...

 

Les jeunes filles

Amis, amis, nous voilà grandes ;
Nos jours ont changé...

 
Au premier mille, hélas ! de mon pèlerinage,
Temps où le cœur tout neuf voit tout à son image.
Où l'âme de seize ans, vierge de passions,
Demande à l'univers ses mille émotions,
Le soir d'un jour de fête au golfe de Venise,
Seul, errant sans objet dans ma...

 
Tous mes adieux sont faits. Tant de départs
m'ont lentement formés dès l'enfance.
Mais je reviens encor, je recommence,
ce franc retour libère mon regard.

Ce qui me reste, c'est de le remplir,
et ma joie toujours impénitente
d'avoir aimé des choses...

J'aurai bientôt quatre-vingts ans :
Je crois qu'à cet âge il est temps
De dédaigner la vie.
Aussi je la perds sans regret,
Et je fais gaîment mon paquet ;
Bonsoir la compagnie !

J'ai goûté de tous les plaisirs ;
J'ai perdu jusques aux désirs ;
A...

Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.

Que j'aime à flotter sur ton onde.
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent...

Le temps m'appelle : il faut finir ces vers.
A ce penser défaillit mon courage.
Je vous salue, ô vallons que je perds !
Ecoutez-moi : c'est mon dernier hommage.
Loin, loin d'ici, sur la terre égaré,
Je vais traîner une importune vie ;
Mais quelque part que j'...

Adieu l'object qui feist premierement
Tourner sur luy la force de mes yeulx,
Le doulx maintien, l'honneste acoustrement,
Armé, vestu en tous jeux et tous lieux,
Tant que nul oeil ne se peult loger mieulx
Qu'a faict le mien. Adieu la bonne audace :
Si vous n'...

Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays,
Ni l'ombre du palmier, ni le jaune maïs,
Ni le repos, ni l'abondance,
Ni de voir à ta voix battre le jeune sein
De nos soeurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim
Couronne un coteau de sa danse,

Adieu, voyageur...

Poet: Victor Hugo