• Puisque ce monde existe, il sied qu’on le tolère.
    Sachons considérer les êtres sans colère.
    Cet homme est le bourgeois du siècle où nous vivons.
    Autrefois il vendait des suifs et des savons,
    Maintenant il est riche ; il a prés, bois, vignobles.
    Il déteste le peuple, il n’aime pas les nobles ;
    Étant fils d’un portier, il trouve en ce temps-ci
    Inutile qu...

  • Dans une grande fête, un jour, au Panthéon,
    J’avais sept ans, je vis passer Napoléon.

    Pour voir cette figure illustre et solennelle,
    Je m’étais échappé de l’aile maternelle ;
    Car il tenait déjà mon esprit inquiet.
    Mais ma mère aux doux yeux, qui souvent s’effrayait
    En m’entendant parler guerre, assauts et bataille,
    Craignait pour moi la foule, à cause...

  • XVII

    Tout est lumière, tout est joie,
    L’araignée au pied diligent
    Attache aux tulipes de soie
    Ses rondes dentelles d’argent.

    La frissonnante libellule
    Mire les globes de ses yeux
    Dans l’étang splendide où pullule
    ...

  •  
    Le spectre que parfois je rencontre riait.
    — Pourquoi ris-tu ? Lui dis-je. ― Il dit : ― Homme inquiet,
    Regarde.
                       Il me montrait dans l’ombre un cimetière.

    J’y vis une humble croix près d’une croix altière ;
    L’une en bois, l’autre en marbre ; et le spectre reprit,
    Tandis qu’au loin le vent passait comme un esprit
    Et des arbres...

  • XXXVI

    Il semblait grelotter, car la bise était dure.
    C’était, sous un amas de rameaux sans verdure,
    Une pauvre statue, au dos noir, au pied vert,
    Un vieux faune isolé dans le vieux parc désert,
    Qui, de son front penché touchant aux...

  •   
    Le cavalier de bronze était debout dans l’ombre.

    Autour de lui dormait la ville aux toits sans nombre ;
    Les hauts clochers semblaient, sur les bruns horizons,
    De grands pasteurs gardant des troupeaux de maisons ;
    Notre-Dame élevait ses deux tours, dont chacune,
    Lugubre, s’effrayait, dans cette nuit sans lune,
    D’entrevoir vaguement sa gigantesque...

  • Mourad, fils du sultan Bajazet, fut un homme
    Glorieux, plus qu’aucun des Tibères de Rome ;
    Dans son sérail veillaient des lions accroupis,
    Et Mourad en couvrit de meurtres les tapis ;
    On y voyait blanchir des os entre les dalles ;
    Un long fleuve de sang de dessous ses sandales
    Sortait, et s’épandait sur la terre, inondant
    L’Orient, et fumant dans l’...

  • I

    Il est mort. Rien de plus. Nul groupe populaire,
    urne d’où se répand l’amour ou la colère,
    n’a jeté sur son nom pitié, gloire ou respect.
    Aucun signe n’a lui. Rien n’a changé l’aspect
    De ce siècle orageux, mer de récifs bordée,
    Où le fait, ce flot sombre, écume sur l’idée.
    Nul temple n’a...

  •  
    Lorsque les trois grands dieux eurent dans un cachot
    Mis les démons, chassé les monstres de là-haut,
    Oté sa griffe à l'hydre, au noir dragon son aile,
    Et sur ce tas hurlant fermé l'ombre éternelle,
    Laissant grincer l'enfer, ce sépulcre vivant,
    Ils vinrent tous les trois, Vâyou, le dieu du Vent,
    Agni, dieu de la Flamme, Indra, dieu de l'Espace,
    ...

  •  

    I

    Tu souris dans l’invisible.
    Ô douce âme inaccessible,
    Seul, morne, amer,
    Je sens ta robe qui flotte
    Tandis qu’à mes pieds sanglote
    La sombre mer.

    La nuit à mes chants assiste.
    Je chante mon refrain triste
    À l’horizon.
    Ange frissonnant, tu mêles
    Le battement de tes ailes
    À ma chanson....