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    La nuit morne tombait sur la morne étendue.

    Le vent du soir soufflait, et, d’une aile éperdue,
    Faisait fuir, à travers les écueils de granit,
    Quelques voiles au port, quelques oiseaux au nid.

    Triste jusqu’à la mort, je contemplais le monde.
    Oh ! Que la mer est vaste et que l’âme est profonde !

    Saint-Michel surgissait, seul sur les flots amers,...

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    I

    LES SQUELETTES

    ………………………………………………

    La tour est âpre et noire, et, du haut jusqu’en bas,
    Elle est un instrument de supplice ; un étage
    Fait agoniser moins ou souffrir davantage ;
    Changer de cabanon, c’est changer de tourment ;
    Le captif, dans la cave, expire lentement ;
    Sous le toit, dans un trou qu’on nomme la calotte,
    Il...

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    Cet homme a pour prison l'ignominie immense.

    On pouvait le tuer, mais on fut sans clémence,
    Il vit.

                        Il est dans l'âpre et lugubre prison
    Invisible, toujours debout sur l'horizon,
    L'opprobre.

                               Cette tour a la hauteur du songe.
    Sa crypte jusqu'aux lieux ignorés se prolonge,
    Ses remparts ont...

  • VII

    Lorsque vous traduisez, juges, à votre barre,
    La Révolution, qui fut dure et barbare
    Et féroce à ce point de chasser les hiboux ;
    Qui, sans respect, fakirs, derviches, marabouts,
    Molesta tous les gens d'église, et mit en fuite,
    Rien qu'en les regardant, le prêtre et le jésuite,
    La colère vous prend.

    Oui, c'est...

  • Quant à flatter la foule, ô mon esprit, non pas !

    Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas.
    La foule, c'est l'ébauche à côté du décombre ;
    C'est le chiffre, ce grain de poussière du nombre ;
    C'est le vague profil des ombres dans la nuit ;
    La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit ;
    Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle.
    Mais...

  • Un tourbillon d’écume, au centre de la baie
    Formé par de secrets et profonds entonnoirs,
    Se berce mollement sur l’onde qu’il égaie,
    Vasque immense d’albâtre au milieu des flots noirs.

    Seigneur ! Que faites-vous de cette urne de neige ?
    Qu’y versez-vous dès l’aube et qu’en sort-il la nuit ?
    La mer lui jette en vain sa vague qui l’assiège,
    Le nuage sa...

  • V

    La conquête avouant sa soeur l'escroquerie,
    C'est un progrès. En vain la conscience crie,
    Par l'exploitation on complète l'exploit.
    A l'or du voisin riche un voisin pauvre a droit.
    Au dos de la victoire on met une besace ;
    En attendant qu'on ait la Lorraine et l'Alsace,
    On décroche une montre au clou d'un horloger ;
    ...

  • XI

    Puisqu’ici-bas toute âme
    Donne à quelqu’un
    Sa musique, sa flamme,
    Ou son parfum ;

    Puisqu’ici tout chose
    Donne toujours
    Son épine ou sa rose
    A ses amours ;

    Puisqu’avril donne aux chênes
    Un bruit charmant...

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    Puisque je suis étrange au milieu de la ville,
    Puisque je veux la vie amère et jamais vile,
    Puisque je me dévoue avec stupidité ;
    Puisqu’improvisant tout, j’ai tout prémédité,
    N’ayant d’autres éclairs que ceux de mon cratère,
    Et ne parlant qu’après avoir voulu me taire ;
    Puisque je déraisonne à ce point de penser
    Que l’ouragan ne doit rugir que...

  • Au commencement, Dieu vit un jour dans l’espace
    Iblis venir à lui ; Dieu dit : « Veux-tu ta grâce ?
    — Non, dit le Mal. — Alors que me demandes-tu ?
    — Dieu, répondit Iblis de ténèbres vêtu,
    Joutons à qui créera la chose la plus belle. »
    L’Être dit : « J’y consens. — Voici, dit le Rebelle :
    Moi, je prendrai ton œuvre et la transformerai.
    Toi, tu...