• Te voilà, rire du Printemps !
    Les thyrses des lilas fleurissent ;
    Les amantes qui te chérissent
    Délivrent leurs cheveux flottants.

    Sous les rayons d’or éclatants
    Les anciens lierres se flétrissent.
    Te voilà, rire du Printemps !
    Les thyrses de lilas fleurissent.

    Couchons-nous au bord des étangs,
    Que nos maux amers se guérissent !
    ...

  • Au milieu des joyaux étincelants et lourds
    Dont elle allait parer sa gorge demi-nue,
    Elle vit un bouquet qu’une main inconnue,
    Avait mis là, parmi la soie et le velours.

    Or ce bouquet, formé de fleurs presque fanées,
    Rien qu’à le voir serrait le cœur ; les nénuphars,
    Les glaïeuls maladifs, fils des matins blafards,
    Les lys, penchés sur leurs tiges...

  • Comme une vierge au front vermeil
    Dans le jardin des cieux venue,
    L’Aube, ayant vaincu le sommeil,
    Cueille les fruits d’or de la nue.

    Dans l’azur, immense verger
    Des constellations fécondes,
    Elle passe d’un pas léger,
    Laissant flotter ses tresses blondes.

    Et les étoiles, tour à tour,
    Aux plis de sa robe jetées,
    Tombent, célestes...

  • On cause, chez Victor Hugo,
    Sans redouter nul pianiste.
    Tout flûtiste ou violoniste
    Est reçu là comme Iago.

    Vînt-il de Siam ou du Congo,
    Pas d’accueil pour le symphoniste ;
    On cause, chez Victor Hugo,
    Sans redouter nul pianiste.

    A d’autres La Reine Indigo,
    Ce chef-d’œuvre d’un harmoniste,
    Même Le Petit Ébéniste,
    ...

  • Quand l’immémoriale antiquité des jours
    Commençait pour ce globe et ses vides séjours,
    L’obscure volonté selon qui la matière
    Se ruait à remplir sa destinée entière
    Faisait sur le désert universel des eaux
    Voguer des continents comme de grands vaisseaux ;
    Et, la nuit, sous l’œil clair des récentes étoiles,
    Les forêts s’emplissaient de vent, comme des...

  • Sur le grand lit drapé de rideaux de dentelle
    Qu’une pale veilleuse éclairait à demi,
    Je m’assis en silence, et, m’accoudant près d’elle,
    Longtemps je contemplai son visage endormi.

    Est-il des cœurs si faux que leur sommeil nous mente ?
    — Qui croire alors ? — Penché sur elle et sans parler,
    Je regardais dormir cette tête charmante
    Qu’un rêve...

  • Miss Ellen, versez-moi le Thé
    Dans la belle tasse chinoise,
    Où des poissons d’or cherchent noise
    Au monstre rose épouvanté.

    J’aime la folle cruauté
    Des chimères qu’on apprivoise :
    Miss Ellen, versez-moi le Thé
    Dans la belle tasse chinoise.

    Là, sous un ciel rouge irrité,
    Une dame fière et sournoise
    Montre en ses longs yeux de...

  • Dans la pourpre de ce vieux Vin
    Une étincelle d’or éclate ;
    Un rayon de flamme écarlate
    Brille en son flot sombre et divin.

    Comme dans l’œil d’un vieux Sylvain
    Qu’une Nymphe caresse et flatte,
    Dans la pourpre de ce vieux Vin
    Une étincelle d’or éclate.

    Il ne coulera pas en vain !
    A le voir mon cœur se dilate :
    Il n’est pas de ceux qu...

  • Assis au revers d’un chemin,
    L’ombre en noyait les avenues —
    Tout seuls et la main dans la main
    Je baisais ses épaules nues.

    Blanche, la lune se levait ;
    — L’ombre en redoublait son mystère —
    Au moindre souffle tout avait
    Des frissons d’amour sur la terre.

    Et je respirais ses cheveux ;
    — L’ombre en buvait l’odeur suave —
    Et lui...

  • Saturne, Jupiter, Vénus, n’ont plus de prêtres.
    L’homme a donné les noms de tous ses anciens maîtres
    A des astres qu’il pèse et qu’il a découverts,
    Et le dernier des dieux dont le culte demeure,
    A son tour menacé, tremble que tout à l’heure
    Son nom ne serve plus qu’à nommer l’univers.

    Les paradis s’en vont ; dans l’immuable espace
    Le vrai monde élargi...