• Comme la main distraite et qui n’a pas de thème
    Précis, par la vertu secrète d’un aimant,
    Décrit, sans y songer et machinalement,
    Un contour au hasard jeté, toujours le même ;

    Ainsi va ma pensée, et l’éternel problème
    De l’amour la ramène à tracer constamment
    Dans le cadre naïf d’un ovale charmant
    Un sourire indécis et les chers yeux que j’aime.

    ...
  • Ma chope est de cristal, de cristal de Bohême,
    Brillante comme un prisme. Au fond, pour mon malheur,
    Un sot artiste a peint une petite fleur ;
    Hélas ! je me serais passé de cet emblème.

    Ma chope est de cristal ; en hiver, en été,
    Dans la taverne, ou bien sous la tonnelle, j’aime,
    Comme toi, blond buveur, buveur au diadème,
    Gambrinus, la remplir, quand...

  • Je n’aurais pas donné ses fautes d’orthographe
    Pour les meilleurs feuillets de nos plus beaux romans.
    L’an passé, j’ai senti ses ensorcellements,
    Je veux être aujourd’hui son historiographe :

    Elle était fort jolie. Un galant photographe
    L’a gravée au soleil avec ses airs charmants ;
    Mais qui peindra son corps en ses serpentements ?
    Je serais éloquent...

  • Le soleil s’est levé rouge comme une sorbe
    Sur un étang des bois : — il arrondit son orbe
    Dans le ciel embrumé comme un astre qui dort ;
    Mais le voilà qui monte en éclairant la brume,
    Et le premier rayon qui brusquement s’allume
    A toute la forêt donne des feuilles d’or.

    Et sur les verts tapis de la grande clairière,
    Ferme dans ses sabots, marche en...

  • La poésie aussi compte ses Lapeyrouses,
    Marins prédestinés aux tempêtes jalouses,
    Dignes pourtant d’un meilleur sort ;
    Voyageurs qui partaient sous les blondes étoiles,
    Heureux, fiers du bon vent qui soufflait dans leurs voiles,
    ...

  • Racine est presque un Grec, Corneille est un romain ;
    Molière, tout Français, a marqué son chemin
    Sur le vieux sol gaulois avec sa muse franche,
    Qui marchait nez au vent et le poing sur la hanche,
    Œil vif, gorge orgueilleuse et bonnet de travers,
    Raillant les faux atours autant que les beaux airs ;
    Belle fille, portant sa dent inassouvie
    Sur les...

  • Bon ! des travaux d’autrui tu passes la revue,
    D’un œil inquisiteur et d’un soin sans égal
    Tu cherches ; mais, hélas ! ton œil a courte vue…
    Ton repas de chercheur est un repas frugal.

    Et pourtant tu jouis à l’aubaine entrevue ;
    Tu signales le point que tu crois illégal ;
    Tout fier, tu dis : — « Voyez ! j’ai trouvé la bévue ! »
    Et tes mains d’un bravo...

  • Vous ne m’aimez plus, je le pense ;
    Et j’en suis triste — par malheur ! —
    Cela fait un mois de constance :
    Après tout, c’est beaucoup d’honneur.

    Quittons-nous donc à l’échéance,
    Sans prendre le ton querelleur ;
    A vous l’oubli, l’indifférence,
    Moi, — je garderai la douleur !

    En vérité, je n’ose guère
    Rappeler l’heure — passagère !
    ...

  • « Comment mourra Paris ? quels insolents hasards
    Oseraient, ce géant, le renverser sur l’herbe ?
    Paris qui, d’âge en âge, a noué dans sa gerbe
    Les éparses moissons d’Athène et des Césars !

    » Lui, palais des palais, et bazars des bazars ;
    Le cerveau de l’Europe, et la grâce superbe,
    Paris, l’ardent foyer, Paris, la cité-verbe,
    Le trône de la guerre et...

  • Lorsque nous revenons de Perpignan la nuit,
    Vers toi mon cœur plus libre et plus léger s’élance
    Vers tes yeux alanguis de noble nonchalance,
    Pôle mystérieux dont l’aimant me conduit.

    Une douceur lactée emplit les cieux : le bruit
    Glisse mélodieux à travers le silence.
    L’apaisement s’étend ainsi qu’une aile immense ;
    La clarté pacifique aux fronts des...