•  
    Inspire-moi des vers dignes de toi, patrie,
    Grandioses et purs comme tes pics déserts,
    Riants et colorés comme la rêverie
    Qui s’empare de nous sur tes alpages verts !

    Le temps s’est écoulé, jetant son ombre immense
    Sur les siècles tombés au gouffre du néant
    Et dont le cours nouveau sans cesse recommence,
    Brisant les nations sous son pas de...

  •  
    A quoi bon revenir encore avec envie
    Au souvenir des lieux que nous avons quittés !
    Que nous fait le pays où coule notre vie ?
    La nature partout a les mêmes beautés.

    Pourvu qu’un coin du ciel sur notre tête brille,
    Pourvu qu’un arbre vert ombrage notre seuil,
    Que le soir, en rentrant, une douce famille
    Nous réchauffe le cœur par son joyeux...

  •  
    Adieu, j’entends la mort qui s’approche et m’appelle ;
    Mon âme est sur le seuil de l’immortalité ;
    Encor quelques instants, et déployant son aile,
    Elle découvrira ce qu’est l’éternité.

    Elle découvrira ce qu’elle est elle-même,
    Et faisant à la terre un solennel adieu
    Humble et purifiée à cette heure suprême
    Entre elle et le néant, elle trouvera...

  •  
    Tous les hôtes joyeux sont partis, et l’aïeule,
    Errant d’un pas distrait dans le logis désert,
    Se trouve tout à coup bien étrangement seule
    En ces lieux désolés, si pleins de vie hier.

    Car il lui semble encor, derrière chaque porte,
    Entendre un pas d’enfant ou quelque cri joyeux ;

    Mais ce n’est que le vent qui, sombre et triste, emporte
    Les...

  •  
    Peut-être existe-t-il une âme sur la terre
    Pour la mienne créée, et dont elle est la sœur :
    Heureuse et fortunée, ou pauvre et solitaire,
    Elle me comprendrait et lirait dans mon cœur.

    Elle partagerait mes secrètes pensées,
    Elle aurait mon amour, j’aurais toute sa foi ;
    Sans cesse étroitement l’une à l’autre enlacées,
    J’existerais pour elle,...

  •  
    Quand le léger vaisseau, dans sa course rapide,
    Tendant sa voile au vent, fuit sur l’onde limpide,
    Et trace sur la mer un sillon lumineux,
    Il semble que l’on voit sous le flot écumeux
    Se dresser tout au fond de l’ancien Atlantique
    Les palais d’une ville étrange et fantastique ;
    Et sur l’onde ridée au souffle du zéphyr,
    On entend murmurer, ainsi...

  •  
    L’automne nous arrive, et la nature entière
    Voyant, sombre et muet, son tombeau se rouvrir,
    Comprend qu’elle est tout près de son heure dernière
    Et, le cœur désolé, se prépare à mourir.

    Mais si d’après nos lois il faut qu’elle succombe
    Elle ne dira pas qu’elle se sent faiblir
    Et, radieuse, un jour descendra dans la tombe,
    Sans que nos yeux...

  •  
    Lorsque durant l’hiver, dans les soirs de tempêtes,
    Sur l’oreiller moelleux posant vos blondes têtes,
    Vous fermez vos grands yeux aux terrestres clartés,
    Ne songez-vous jamais, enfants joyeux et roses,
    Auxquels le ciel clément prodigue toutes choses,
    A ceux qu’il a laissés seuls et déshérités ?

    Et tandis qu’au-dessus de votre couche blanche,
    ...

  •  
    Dans son vaste palais, sous la sombre ramure,
    La Belle au bois repose, attendant le réveil ;
    Son beau front est de glace et pâle est sa figure,
    Ses grands cheveux lui font comme un manteau vermeil.

    Un étrange sourire erre encor sur sa bouche,
    Ses longs cils abaissés ombrent légèrement
    Ce visage si pur et que la mort farouche
    Semble avoir en...

  •  
    Le poëte jamais n’est maître de sa lyre,
    Dont les cordes souvent éclatent sous ses doigts ;
    C’est lorsqu’il sent le plus qu’il peut le moins décrire,
    Et que, voulant chanter, il demeure sans voix.

    Lorsqu’à l’entour de lui tout n’est que poésie,
    Que la nature en fête étale ses splendeurs,

    Seul il reste muet, l’âme comme saisie,
    Se sentant trop...