L’Automne

 
L’automne nous arrive, et la nature entière
Voyant, sombre et muet, son tombeau se rouvrir,
Comprend qu’elle est tout près de son heure dernière
Et, le cœur désolé, se prépare à mourir.

Mais si d’après nos lois il faut qu’elle succombe
Elle ne dira pas qu’elle se sent faiblir
Et, radieuse, un jour descendra dans la tombe,
Sans que nos yeux aient vu son visage pâlir.

Car toute la nature en sa splendeur est femme,
Elle veut être belle a l’heure de la mort,
Elle veut emporter les regrets de notre âme,
Elle veut qu’ici-bas nous pleurions sur son sort.

C’est pourquoi, lorsque vient languissante l’automne
Elle met un manteau tissé de pourpre et d’or
Et pose sur sa tête une triple couronne
Dont les feux rayonnants la grandissent encor.

Sa robe de topaze étincelle, emaillée
De mille diamants aussi purs que des pleurs,
Et de ses blanches mains, tristement effeuillées
On voit se détacher des corolles de fleurs.

Alors, à l’horizon devenu grave et sombre,
S’élève tout à coup la voix de l’aquilon ;
Il sort en bondissant des abîmes de l’ombre,
Dissimulant la mort sous son noir tourbillon.

Il s’approche rapide, et la nature tremble,
Car elle connaît trop ce hurlement lointain
Et sait que l’ennemi contre elle se rassemble,
Que le trépas est près, et qu’il est son destin.

Et durant une nuit, quand le monde, tranquille,
Repose doucement en un calme sommeil,
Dans son tombeau béant elle glisse immobile…
Et l’hiver nous salue à l’heure du réveil.

13 octobre 1880.

Collection: 
1886

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