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    L’arbre, dont on fera des planches,
    Est vivant ; il lève ses branches
    Comme de grands bras vers les cieux ;
    Avec un murmure joyeux
    Il agite son beau feuillage
    Où l’oiseau plus joyeux que sage
    En chantant viendra se poser ;
    Il donne à la terre un baiser

    De fraîcheur, dans la forêt sombre ;
    On n’oserait compter le nombre
    De ses...

  • Meâ culpâ ! je m’accuse
    De n’être point décadent.
    Dans les fruits trop verts, ma Muse
    N’ose pas mettre la dent.

    Les gambades périlleuses
    Ne sont pas de mon ressort :
    Ces gaîtés sont dangereuses
    Pour qui n’est pas assez fort.

    La témérité m’enchante
    Chez les jeunes imprudents ;
    Mais tranquillement je chante,
    Laissant...

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    Plus d’un croit à sa victoire,
    N’étant pas très érudit ;
    À qui connaît mieux l’Histoire
    Tout orgueil est interdit.

    Tu pensais, triste éphémère,
    Atteindre au comble de l’art !
    Poète, regarde Homère !
    Ou, musicien, Mozart !

    À tous ces géants énormes
    Que nous montre le passé
    Compare tes maigres formes,
    O lutteur bientôt...

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    Pourquoi craindre la mort ? pourquoi s’effrayer d’elle ?
               La mort est chose naturelle :
    Naître, vivre et mourir, c’est tout l’homme en trois mots.
               Comme aux flots succèdent les flots,
    Comme un clou chasse l’autre, un homme prend la place
    De celui qui vivait hier, et qui n’est plus ;
               On s’en va sans laisser de trace....

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    Ne soyons pas trop débonnaires ;
    Aimer quand même est lâcheté.
    Pour les méchants restons sévères,
    Gardons aux bons notre bonté.

    Pardonnez ! dit-on.—C’est facile,
    Et doux même aux cœurs bien placés.
    L’âpre vengeance est inutile ;
    Le mépris venge bien assez.

    Mais prodiguer à tous les traîtres
    Le trésor de son amitié !
    Jeter...

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    Te souviens-tu de la tonnelle
    Où nous déjeunâmes si bien ?
    De l’étincelante prunelle
    De la servante, et de son chien ?

    De l’omelette savoureuse ?
    De notre langage indiscret ?
    De la route au soleil poudreuse
    Et des chênes de la forêt ?

     

    En déjeunant, la Poésie
    Fut le thème de nos discours,
    Et le goût de cette...

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    Tu m’as persécuté toujours dans ta colère ;
                         Tu n’as pas pardonné,
    O Vénus ! qu’au grand art, à l’étude sévère
                         Mon cœur se fût donné ;

    Et tu m’as mis au flanc la chimère éternelle
                         De l’Idéal rêvé :
    L’amour pur comme l’eau des lacs, profond comme elle,
                         Que je n’...

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    L’Irlande t’a donnée à nous. Ta gloire est telle
    Qu’un double rayon brille à ton front : Astarté,
    Aussi belle que toi, ne savait qu’être belle ;
    Sapho qui t’égalait n’avait pas ta beauté.

    Tu chantes, comme vibre une forêt superbe
    Qu’agite la fureur des grands vents déchaînés ;
    Comme aux feux de midi la cigale dans l’herbe ;
    Comme sur un récif...

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    Il est beau de passer la stature commune ;
                     Mais c’est un grand danger :
    Le vulgaire déteste une gloire importune
                     Qu’il ne peut partager.

    Tant qu’on a cru pouvoir vous tenir en lisière
                     Dans un niveau moyen,
    On vous encourageait, souriant en arrière
                     Et vous disant : c’est bien...

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    L’Alhambra, qu’ont bâti les enfants du prophète,
    Contre la vétusté vaillamment se défend.
    Il est toujours paré comme pour une fête ;
    On dirait qu’il espère : on dirait qu’il attend.

    Qui sait—(toujours l’Islam agrandit son empire !)
    Si les fils de Mahom, enchantement des yeux,
    Quand le Christ ne sera plus là pour les maudire,
    N’y replanteront...