• Amis, je veux me perdre au fond du bois sonore.
    La lune des sentiers argente le gazon ;
    Et, comme dans la coupe un vin qui s’évapore,
    Déjà monte la brume aux bords de l’horizon.
    La bruyante cité, près du fleuve étendue,
    Allonge ses grands ponts comme des bras sur l’eau.
    Tout soupire et s’endort ; et, là-bas sous la nue,
    Vénus en souriant agite son...

  • Soldat libre, au léger bagage,
    J’ai mis ma pipe à mon chapeau,
    Car la milice où je m’engage
    N’a ni cocarde ni drapeau.

    La caserne ne me plaît guère,
    Les uniformes me vont peu ;
    En partisan, je fais la guerre,
    Et je campe sous le ciel bleu.

    La liberté, que l’on croit morte
    Pour quelques heures de sommeil,
    Près de moi se chauffe à la...

  • Le Voyageur.

    L’ombre sans lune a couvert la campagne ;
    Où t’en vas-tu, pâtre silencieux ?

    Le Pâtre.

    O voyageur, le souci m’accompagne,
    Et, quand tout dort, je marche sous les cieux.

    Le Voyageur.

    Sans voix qui bêle et sans grelot qui sonne,
    Ton noir troupeau s’allonge dans la nuit !…

    Le Pâtre.

    O...

  • Ils diront, mesurant la profondeur de l’onde
    Et l’horizon bleuâtre où la vague se perd :
    « Quel est ce fleuve étrange, épandu sur le monde,
    Pur comme le cristal et grand comme la mer ?

    Sans doute, il vient des monts avec un bruit immense ;
    Il tombe des sommets où l’aigle fait son nid ;
    Ou du fond des déserts il s’allonge en silence,
    Comme un serpent...

  • Quoi ! Vous voulez que, le premier,
    Au seuil blanc de ce beau cahier,
    Je me pavane et me prélasse

    Juste à l’endroit prétentieux
    Où doivent tomber tous les yeux,
    Sitôt qu’on entre dans la place ?

    Ma foi ! sans chercher d’argument
    Je m’exécute bravement ;
    Les gens en riront, mais qu’importe ?

    Mes vers mis de cette façon
    Peuvent...

  •  

    Ô Bacchus Lydien, dont la barbe est frisée,
    J’aime ton front tranquille orné d’un cercle d’or,
    Tandis qu’à quelques pas, humide de rosée,
    La déesse des fleurs sous la brise se tord.

    La main, que l’œil devine et que la robe cache,
    Entre ses seins pointus presse des lis mouillés ;
    Et frissonnant à l’air, le torse se détache
    De l’étoffe aux plis...

  •  
    À Agénor Brady.

    Roulant dans la nuit solitaire,
    Les astres dirent à la terre :
    « Où vas-tu, monde audacieux ?
    Comme un point perdu dans l’espace,
    Ton orbe étroit tremble et s’efface,
    Mais toujours on connaît ta place,
    Au bruit que tu fais dans les cieux !

    « Ô terre dont le flanc tressaille,
    Quel enfantement te travaille ?...

  • Oh ! qu’il était triste, au coin de la salle !
    Comme il grelottait, l’homme au violon !
    La baraque en planche était peu d’aplomb,
    Et le vent soufflait dans la toile sale.

    Des bourgeois blasés ― l’un d’eux s’en alla ! ―
    Raillaient à plaisir ces vieilles sornettes,
    Ainsi qu’il convient à des gens honnêtes
    Qui sont revenus de ces choses-là !

    Dans...

  • Dix-huit ans ! ― Vous croyez ?… c’est le plus !… Blanche et rose,
    Comme un pêcher fleuri que l’eau du ciel arrose,
    Sous ses cheveux bouclés, elle allongeait son cou
    Et ses grands regards bleus allaient on ne sait où.

    C’était un bal mêlé d’art ;
                                          Une demoiselle
    Mûre, et pour « ces messieurs » déployant un beau zèle,...

  • I

    L’écho douze fois frappé
    Par le vers sept fois coupé,
    C’est la cadence opportune
    D’un couplet bien échappé.

    Ce galop sans halte aucune
    Semble une bonne fortune
    À tout poëte trempé
    D’une façon peu commune.

    Et sur ce rhythme escarpé,
    L’oiseau, d’ombre enveloppé,
    Récite au clair de la lune
    Les vers de Li-taï-pé.

    ...