•  

    Je ne sais pas ton nom, comtesse ou bien marquise,
    Dont le portrait charmant rit dans ce cadre d’or ;
    Mais nulle, en sa beauté, n’eut plus de grâce exquise,
    Au temps qu’on était jeune et qu’on aimait encor.

    Tes cheveux à frimas, où le zéphyr se joue,
    Effleurent mollement ton visage vermeil,
    Car le pastel du maître a semé sur ta joue
    L’...

  • Aglaé n’est pas heureuse :
    Elle a trouvé, ce matin,
    Une ride qui se creuse
    Dans les neiges de son teint.

    Les jeux ailés, les dieux-mouches,
    Tous les petits nains du ciel
    Vont menant des deuils farouches
    Pour ce cas essentiel.

    Voici les plaisirs moroses
    Confits en dévotion ;
    Des yeux bleus aux lèvres roses
    Descend leur...

  • Lève-toi ! lève-toi ! le printemps vient de naître.
    Là-bas, sur les vallons, flotte un réseau vermeil.
    Tout frissonne au jardin, tout chante, et ta fenêtre,
    Comme un regard joyeux, est pleine de soleil.

    Les larges espaliers, couverts de boutons roses,
    De leur haleine douce embaument le ciel pur.
    Seule, la vigne est nue, et, près des fleurs écloses,
    ...

  •  

    Ô vierge ! ta beauté semble un champ de blé mûr
    Dont le vent fait rouler les vagues inquiètes !
    Parmi les brins serrés, passant leurs folles têtes,
    Brillent le pavot rouge et le bluet d’azur ;

    Au zénith éclatant pas un nuage obscur ;
    L’aube seule aux épis suspend ses gouttelettes ;
    Mille désirs charmants, comme des alouettes,
    Volent par les...

  •  

    Quand vous m’avez quitté, boudeuse et mutinée
    Secouant mes baisers, comme un arbre ses fleurs,
    Je restai seul, debout, près de la cheminée,
    Me forçant au sourire, et me sentant des pleurs.

    C’était le premier doute et le premier nuage
    Dans ce beau ciel d’amour qu’un souffle peut ternir,
    Et me croyant bien fort, et me posant en sage,
    J’avais...

  •  

    Dans la vigne, au mur étalée,
    La lune glisse lentement,
    Et, sous la feuille dentelée,
    Caresse le raisin dormant.

    Tout à coup la grappe en alerte
    S’éveille et croit le jour venu ;
    Chaque grain, gonflant sa peau verte,
    Frissonne au vent comme un sein nu.

    Chaque bourgeon, rouge de honte,
    Semble une perle de corail ;
    Le tronc...

  •  
    À Alfred Guérard.

    I

    Et le cèdre, debout sur le mont solitaire,
    Disait : Béni soit Dieu, qui du sein de la terre
    Fait monter comme un flot la sève dans mes flancs ;
    Béni soit le Seigneur qui, pour moi seul au monde,
    Garde dans ses trésors et la fraîcheur féconde,
    Et les rayons étincelants !
     
    Je suis le fils aîné de la...

  •  
    Quand les Géants tordus sous la foudre qui gronde
    Eurent enfin payé leurs complots hasardeux,
    La terre but le sang qui stagnait autour d’eux
    Comme un linceul de pourpre étalé sur le monde.

    On dit que, prise alors d’une pitié profonde,
    Elle cria « Vengeance ! » et, pour punir les Dieux,
    Fit du sable fumant sortir le cep joyeux
    D’où l’orgueil...

  •  

    Parfois la terre, ouvrant son sein qui gronde,
    Heurte les monts l’un sur l’autre croulants,
    Elle s’agite et veut jeter au monde
    Le noir secret enfermé dans ses flancs ;

    Un jour, une heure, et les flots ruisselants
    Le vomiront sur la grève inféconde ;
    Il va sortir de la forêt profonde,
    Il monte, il monte aux lèvres des volcans.

    Le cœur...

  • Les musiciens.

    Le soir a tendu ses voiles.
    Éveillons, à petit bruit,
    La plus blanche des étoiles
    Qui manque au front de la nuit.

    Un chanteur.

    J’ai dans mon cœur une belle
    Que j’adore nuit et jour ;

    Une lampe est devant elle,
    La lampe de mon amour !

    Dans cette chapelle austère
    Que desservent mes douleurs,...