• Archimede abusé pendant que tu t’abuse
    A peindre sur la poudre, & d’un baston d’airain
    Tracer un cercle rond, l’exercite Romain
    Surprent, sans y penser, ta chere Syracuse.

    Homme mal advisé, pendant que tu t’amuse
    A mille fols pensers, le trespas incertain
    Meurdre, peste, & fureur, te pendent sur le sein,
    Et la mort devant Dieu de vanité t’...

  • Arrivant au logis pour un petit quart d’heure
    Que le passant y doit seulement sejourner,
    Il ne s’adonne point à rompre et retourner,
    Demolir ou bastir le lieu de sa demeure;

    Estranger vagabond sur la terre peu seure,
    Ne travailles point tant à briguer et vener
    Ces honneurs que tu dois bien tost abandonner,
    Que vivre en tel estat qu’heureusement tu...

  • La calme meinte-fois fort longuement arreste
    Les matelots en mer, au contraire le vent
    Halenant à souhait les ameine souvent
    Au port avant le tems libre de la tempeste.

    Ainsi la vie humaine à la haste nous jette
    Au lieu où peu à peu nous allions arrivant,
    Quelquefois plus long tems elle nous va suivant
    Et sur un long chemin nous tourmente et nous...

  • Ce monde composé d’un discordant accort
    Fait toute chose humaine aller à son contraire,
    Et sous le mouvement du monde elementaire
    Il n’est rien de certain que le coup de la mort.

    La mort passe par tout, dez l’oëst jusqu’au Nort
    Des le Sus jusqu’à l’Est, le meurdrier sanguinaire
    Fuit ainsi le meurdrier, & ne scauroit on faire
    Qu’apres un long...

  • Ce qui semble perir se change seulement
    L’Esté est il passé ? l’an suivant le rameine
    Voit on noircir la nuit ? la lumiere prochaine
    Redore incontinant l’azur du firmament :

    Le rayonnant Soleil d’un pareil mouvement
    Par l’escharpe du ciel tous les jours se promeine
    Et suivant du Seigneur l’Ordonnance certaine
    Tout remonte à son tour, & tombe...

  • Celuy quiconque apprend à mourir constamment
    Des-aprent à servir, & ny à violence,
    Torture, ny prison dont l’extreme souffrance
    Rompe de ses desseins le stable fondement.

    Mediter à la mort, cest le commencement
    De vivre en liberté ; douteusement balance
    Sans resolution, jouet de l’inconstance
    Celuy qui du trespas redoute le torment.

    L’...

  • Chacun le mieus qu’il peut souffre en l’hostellerie
    Les incommoditez d’une mauvaise nuit,
    Resou de s’en aller au premier jour qui suit,
    Dormir en sa maison sans crainte et fascherie.

    Endure constamment la haine et la furie,
    Les tavaus et tourment de ce monde seduit,
    Sçachant bien que demain tu vivras en desduit
    En la cité de Dieu, recou de Samarie....

  • Desires-tu savoir à quoi je parangonne
    Le fuseau de tes ans ? Au savon blanchissant
    Soufflé par un tuyau de paille jaunissant,
    Dont un fol enfançon ses compagnons étonne ;

    En son lustre plus beau sa gloire l’abandonne,
    Au moindre choc de l’air, fragile, se froissant ;
    Ainsi devers le soir va la fleur ternissant,
    Qui, sur le point du jour vermeillement...

  • Durant l’aspre saison des froidureus hyvers
    Il semble aus regardans que les arbres ternissent
    Et, toutefois, les troncs en terre se nourrissent
    D’où sortent au Printems tant de fleurons divers.

    C’est alors que les chams et que les prez sont vers,
    Mais au chaud de l'esté ils seichent et fanissent,
    Au contraire les reims des arbres reverdissent
    Et se...

  • Est-il rien de plus vain qu’un songe mensonger,
    Un songe passager vagabond et muable ?
    La vie est toutefois au songe comparable
    Au songe vagabond muable et passager :
     
    Est-il rien de plus vain que l’ombrage leger,
    L’ombrage remuant, inconstant, et peu stable ?
    La vie est toutefois à l’ombrage semblable
    À l’ombrage tremblant sous l’arbre d’un...