Qui que tu sois, Vivant, passe vite parmi
L'herbe du tertre où gît ma cendre inconsolée ;
Ne foule point les fleurs de l'humble mausolée
D'où j'écoute ramper le lierre et la fourmi.
Tu t'arrêtes ? Un chant de colombe a gémi.
Non ! qu'elle ne soit pas sur ma tombe immolée !
Si tu veux m'être cher, donne-lui la volée.
La vie est si douce, ah ! laisse-la...
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Cartagena de Indias.
1532-1583-1697.
Morne Ville, jadis reine des Océans !
Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres
Et le nuage errant allonge seul des ombres
Sur ta rade où roulaient les galions géants.
Depuis Drake et l'assaut des Anglais mécréants,
Tes murs désemparés croulent en noirs décombres
Et, comme un glorieux... -
Un ami vif vint à la dame morte,
Et par prière il la cuida tenter
De le vouloir aimer de même sorte,
Puis la pressa juqu'à la tourmenter ;
Mais mot ne dit, donc, pour se contenter,
Il essaya de l'embrasser au corps.
Contrainte fut la Dame dire alors :
" Je vous requiers, ô Ami importun,
Laissez les morts ensevelir les morts,
Car morte suis pour tous... -
La petite Marie est morte,
Et son cercueil est si peu long
Qu'il tient sous le bras qui l'emporte
Comme un étui de violon.
Sur le tapis et sur la table
Traîne l'héritage enfantin.
Les bras ballants, l'air lamentable,
Tout affaissé, gît le pantin.
Et si la poupée est plus ferme,
C'est la faute de son bâton ;
Dans son oeil une larme... -
La ville est morte, morte, irréparablement !
D'une lente anémie et d'un secret tourment,
Est morte jour à jour de l'ennui d'être seule...
Petite ville éteinte et de l'autre temps qui
Conserve on ne sait quoi de vierge et d'alangui
Et semble encor dormir tandis qu'on l'enlinceule ;
Car voici qu'à présent, pour embaumer sa mort,
Les canaux, pareils à des... -
Dans quelque ville morte, au bord de l'eau, vivote
La tristesse de la vieillesse des maisons
A genoux dans l'eau froide et comme en oraisons ;
Car les vieilles maisons ont l'allure dévote,
Et, pour endurer mieux les chagrins qu'elles ont,
Egrènent les pieux carillons qui leur sont
Les grains de fer intermittents d'un grand rosaire.
Vieilles maisons, en... -
Vague, perdue au fond des sables monotones,
La ville d'autrefois, sans tours et sans remparts,
Dort le sommeil dernier des vieilles Babylones,
Sous le suaire blanc de ses marbres épars.
Jadis elle régnait ; sur ses murailles fortes
La Victoire étendait ses deux ailes de fer.
Tous les peuples d'Asie assiégeaient ses cent portes ;
Et ses grands escaliers... -
La chapelle ancienne est fermée,
Et je refoule à pas discrets
Les dalles sonnant les regrets
De toute une ère parfumée.
Et je t'évoque, ô bien-aimée !
Epris de mystiques attraits :
La chapelle assume les traits
De ton âme qu'elle a humée.
Ton corps fleurit dans l'autel seul,
Et la nef triste est le linceul
De gloire qui te vêt... -
Près des. monts de Judée, arides, sans fraîcheurs,
Et des monts de Moab aux sèves fécondantes,
L'Asphaltite maudit berce ses eaux mordantes,
Où jamais ne tomba le filet des pécheurs.
Les rocs nus sont rayés de sinistres blancheurs.
Serait-ce un reste froid de vos cendres ardentes,
Impudiques cités ? Les vagues abondantes
Ont-elles pu laver le front... -
La glycine est fanée et morte est l'aubépine ;
Mais voici la saison de la bruyère en fleur
Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur
T'apporte les parfums de la pauvre Campine.
Aime et respire-les, en songeant à son sort
Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie ;
La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie
Et le peu qu'on lui...