• Souvent le coeur qu'on croyait mort
    N'est qu'un animal endormi ;
    Un air qui souffle un peu plus fort
    Va le réveiller à demi ;
    Un rameau tombant de sa branche
    Le fait bondir sur ses jarrets
    Et, brillante, il voit sur les prés
    Lui sourire la lune blanche.

  • Levons-nous, le jour bleu colle son front aux vitres,
    La note du coucou réveille le printemps,
    Les rameaux folichons ont des gestes de pitres,
    Les cloches de l'aurore agitent leurs battants.
    La nuit laisse en fuyant sa pantoufle lunaire
    Traîner dans l'air mouillé plein de sommeil encor
    Et derrière les monts cachant sa face claire
    Le soleil indécis...

  • Dans la pelouse endormie
    Sous l'azur pâle et rêveur,
    Les brises en accalmie
    Bercent les bouleaux pleureurs.
    En ce silence de rêve
    Une voix d'oiseau
    Seule et divine s'élève
    Des bouleaux.

    Au jour bas de l'avenue
    Lointaine sous les rameaux
    Deux formes sont apparues,
    Deux corps enlacés et beaux.
    La femme blanche, légère...

  • L'enchantement lunaire endormant la vallée
    Et le jour s'éloignant sur la mer nivelée
    Comme une barque d'or nombreuse d'avirons,
    J'ai rassemblé, d'un mot hâtif, mes agneaux ronds,
    Mes brebis et mes boucs devenus taciturnes
    Et j'ai pris le chemin des chaumières nocturnes.
    Que l'instant était doux dans le tranquille soir !
    Sur l'eau des rayons bleus étant...

  • Que je repose en toi, mon beau logis d'amour,
    Dans la nuit de ton coeur sur mon être scellée.
    Tu seras mon tombeau. Oubliant les détours,
    Ombre, je vais descendre, en ton ombre effacée.

    Tu seras mon tombeau. Enfin je vais dormir,
    Prise dans le linceul que me fera ton âme,
    Goûtant, morte sacrée, au sein du souvenir,
    L'amour intérieur que ma vie...

  • Notre maison est seule au creux de la montagne
    Où le chant d'une source appelle des roseaux,
    Où le bout de jardin plein de légumes gagne
    La roche qui nous tient dans son âpre berceau.
    Septembre laisse choir sur les molles argiles
    La pomme abandonnée aux pourceaux grassouillets.
    Nous avons dû poser des cailloux sur les tuiles ;
    Car la bise souvent s'...

  • Laisse couler mes pleurs tendres sur ton visage.
    Bois-les, je suis ta soeur humaine dans la vie,
    Le sang coule en ma chair pour être ta pâture
    Et l'amour de la créature
    M'a pour jamais vers toi, ô mon frère, inclinée.
    Quel intime frisson de chair nous réunit,
    Quelle nudité d'âme et de chair nous assemble,
    Ô toi seul devant qui je demeure plus nue...

  • (Fragment)

    Quand j'aurai bien souffert de mon âme muette
    Qui contenait le rythme et les rayons humains,
    Sans l'avoir jamais vue, en des planches secrètes,
    Des hommes la cloueront, ironique destin !

    Car ce que j'ai chanté n'est encor que silence,
    Et mon coeur et mes yeux, mon élan contenu,
    À travers la torpeur de la matière immense,
    ...

  • Je t'apporte ce soir ma natte plus lustrée
    Que l'herbe qui miroite aux collines de juin ;
    Mon âme d'aujourd'hui fidèle à toi rentrée
    Odore de tilleul, de verveine et de foin ;
    Je t'apporte cette âme à robe campagnarde.
    Tout le jour j'ai couru dans la fleur des moissons
    Comme une chevrière innocente qui garde
    Ses troupeaux clochetant des refrains aux...

  • Voilà que je me sens plus proche encor des choses.
    Je sais quel long travail tient l'ovaire des roses,
    Comment la sauterelle au creux des rochers bleus
    Appelle le soleil pour caresser ses neufs
    Et pourquoi l'araignée, en exprimant sa moelle,
    Protège ses petits d'un boursicot de toile.
    Je sais quels yeux la biche arrête sur son faon,
    Tellement notre...