• Rime, qui donnes leurs sons
        Aux chansons,
    Rime, l’unique harmonie
    Du vers, qui, sans tes accents,
        Frémissants,
    Serait muet au génie ;


    Rime, écho qui prends la voix
        Du hautbois
    Ou l’éclat de la trompette,
    Dernier adieu d’un ami
        Qu’à demi
    L’autre ami de loin répète ;

    Rime, tranchant...

  • Entends-tu ce long bruit doux comme une harmonie,
    Ce cri qu’à l’univers arrache le génie
            Trop longtemps combattu,
    Cri tout d’un coup sorti de la foule muette,
    Et qui porte à la gloire un nom de grand poëte,
            Noble ami, l’entends-tu ?

    À l’étroit en ce monde où rampent les fils d’Ève,
    Tandis que, l’œil au ciel, tu montes où t’enlève...

  • Loisir, où donc es-tu ? le matin, je t’implore ;
    Le jour, ton charme absent me trouble et me dévore ;
        Le soir vient, tu n’es pas venu ;
    La nuit, j’espère enfin veiller à ta lumière ;
    Mais déjà le sommeil a fermé ma paupière,
        Avant que mes yeux t’aient connu.

    Loisir, es-tu couché sur quelque aimable rive,
    Au bord d’un antre frais,...

  • Par quel crime, si jeune, ô des Dieux le plus doux,
    Par quel sort, ai-je pu perdre tes dons jaloux,
    Ô Sommeil ! — tu me fuis. — Tout dort dans la nature,
    Les troupeaux au bercail, l’oiseau dans la verdure ;
    Les fleuves mugissants, et de jour aux cent bruits,
    Assoupissent au loin leurs murmures des nuits ;
    Les cimes des grands bois penchent sous les rosées,...

  • Souvent un grand désir de choses inconnues,
    D’enlever mon essor aussi haut que les nues,
    De ressaisir dans l’air des sons évanouis,
    D’entendre, de chanter mille chants inouïs,
    Me prend à mon réveil ; et voilà ma pensée
    Qui, soudain rejetant l’étude commencée,
    Et du grave travail, la veille interrompu,
    Détournant le regard comme un enfant repu,
    ...

  • En ces jours de martyre et de gloire, où la hache
    Effaçait dans le sang l’impur crachat du lâche
    Sur les plus nobles fronts,
    Où les rhéteurs d’Athène et les sages de Rome
    Raillaient superbement les fils du Dieu fait homme
    Qu’égorgeaient les Nérons,

    Quelques disciples saints, les soirs, dans le cénacle
    Se rassemblaient, et là parlaient du grand...

  • Chacun en sa beauté vante ce qui le touche ;
    L’amant voit des attraits où n’en voit point l’époux ;
    Mais que d’autres, narguant les sarcasmes jaloux,
    Vantent un poil follet au-dessus d’une bouche ;

    D’autres, sur des seins blancs un point comme une mouche ;
    D’autres, des cils bien noirs à des yeux bleus bien doux,
    Ou sur un cou de lait des cheveux d’un...

  • En ces heures souvent que le plaisir abrége,
    Causant d’un livre à lire et des romans nouveaux,
    Ou me parlant déjà de mes prochains travaux,
    Suspendue à mon cou, tu me dis : Comprendrai-je ?

    Et ta main se jouant à mon front qu’elle allége,
    Tu vantes longuement nos sublimes cerveaux,
    Et tu feins d’ignorer… Sais-tu ce que tu vaux,
    Belle Ignorante aux...

  • Quand le dernier reflet d’automne
    A fui du front chauve des bois ;
    Qu’aux champs la bise monotone
    Depuis bien des jours siffle et tonne,
    Et qu’il a neigé bien des fois ;

    Soudain une plus tiède haleine
    A-t-elle passé sous le ciel :
    Soudain, un matin, sur la plaine,
    De brumes et de glaçons pleine,
    Luit-il un rayon de dégel :

    Au...

  • Je ne suis pas de ceux pour qui les causeries,
    Au coin du feu, l’hiver, ont de grandes douceurs ;
    Car j’ai pour tous voisins d’intrépides chasseurs,
    Rêvant de chiens dressés, de meutes aguerries,

    Et des fermiers causant jachères et prairies,
    Et le juge de paix avec ses vieilles sœurs,
    Deux revêches beautés parlant de ravisseurs,
    Portraits comme on en...