Souvent un grand désir de choses inconnues,
D’enlever mon essor aussi haut que les nues,
De ressaisir dans l’air des sons évanouis,
D’entendre, de chanter mille chants inouïs,
Me prend à mon réveil ; et voilà ma pensée
Qui, soudain rejetant l’étude commencée,
Et du grave travail, la veille interrompu,
Détournant le regard comme un enfant repu,
Caresse avec transport sa belle fantaisie,
Et veut partir, voguer en pleine poésie.
À l’instant le navire appareille : et d’abord
Les câbles sont tirés, les ancres sont à bord,
La poulie a crié ; la voile suspendue
Ne demande qu’un souffle à la brise attendue,
Et sur le pont tremblant tous mes jeunes nochers
S’interrogent déjà vers l’horizon penchés.
Adieu, rivage, adieu ! — Mais la mer est dormante,
Plus dormante qu’un lac ; mieux vaudrait la tourmente !
Mais d’en haut, ce jour-là, nul souffle ne répond ;
La voile pend au mât et traîne sur le pont.
Debout, croisant les bras, le pilote, à la proue,
Contemple cette eau verte où pas un flot ne joue,
Et que rasent parfois de leur vol lourd et lent
Le cormoran plaintif et le gris goëland.
Tout le jour il regarde, inquiet du voyage,
S’il verra dans le ciel remuer un nuage,
Ou frissonner au vent son beau pavillon d’or ;
Et quand tombe la nuit, morne, il regarde encor
La quille où s’épaissit une verdâtre écume,
Et la pointe du mât qui se perd dans la brume.
Le Calme
More from Poet
-
Mon ami, vous voilà père d’un nouveau-né ;
C’est un garçon encor : le Ciel vous l’a donné
Beau, frais, souriant d’aise à cette vie amère ;
À peine il a coûté quelque plainte à sa mère.
Il est nuit ; je vous vois :… à doux bruit, le sommeil
Sur un sein blanc qui... -
Toujours je la connus pensive et sérieuse :
Enfant, dans les ébats de l’enfance joueuse
Elle se mêlait peu, parlait déjà raison ;
Et, quand ses jeunes sœurs couraient sur le gazon,
Elle était la première à leur rappeler l’heure,
À dire qu’il fallait regagner la... -
Sur un front de quinze ans les cheveux blonds d’Aline,
Débordant le bandeau qui les voile à nos yeux,
Baignent des deux côtés ses sourcils gracieux :
Tel un double ruisseau descend de la colline.Et sa main, soutenant ce beau front qui s’incline,
Aime à jouer... -
Sous un souflle apaisé quand rit la mer sereine,
Tout mon cœur s’enhardit, et pour l’humide plaine
La terre est oubliée : ô mer, je viens à toi !
Mais qu’un grand vent s’élève et réveille l’effroi,
Que l’écume du flot blanchisse et fasse rage,
Tout mon amour alors... -
Les dimanches d’été, le soir, vers les six heures,
Quand le peuple empressé déserte ses demeures
Et va s’ébattre aux champs,
Ma persienne fermée, assis à ma fenêtre,
Je regarde d’en haut passer et disparaître
Joyeux bourgeois, marchands,Ouvriers...