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    Les heures ont éteint le feu de mes vertèbres,
    Et leur morne lourdeur a pesé sur mon front…
    Voici que les lointains trop clairs s’attendriront
    Et la nuit m’ouvrira son jardin de ténèbres.

    Solitaire, tandis que le temps coule et fuit,
    Je cueillerai les fleurs du regret et du songe.
    Reconnaissante au doux charme qui se prolonge,
    J’offrirai le...

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            A.
            Femmes, pour revêtir ce corps dans le tombeau
            Avez-vous su tisser un linceul assez beau ?

            B.
            Avec un soin pieux nous l’avons embaumée,
            Cette morte qui fut pour nous la sœur aimée.

            A.
            Joignez les mains, priez pour l’âme qui s’enfuit,
            Et s’éloigne, très triste et...

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        Ton regard embusqué sous tes paupières sombres
        Guette… Ton faux regard est là, traîtreusement…
        Il épie, en secret, le passage des ombres
        Dans mes yeux… Il me guette, inexorablement.

        J’ai peur de ce regard sournois… O perfidie
        De ton regard profond et brun, de ton regard !
        Je te vois maintenant différente, étourdie,...

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        Le grand vent de la mer a quitté la chapelle.
        C’est pourquoi notre voix commune le rappelle.

        Le grand vent de la mer est las de la chapelle
        Et la détruit tout en se lamentant sur elle…

        Car il subit la loi de sa rude nature
        En la reconnaissant si terrible et si dure !

        Et voici ce que fut la chapelle où l’on prie,...

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        Notre cœur est semblable en notre sein de femme,
        Très chère ! Notre corps est pareillement fait.
        Un même destin lourd a pesé sur notre âme,
        Nous nous aimons et nous sommes l’hymne parfait.

        Je traduis ton sourire et l’ombre sur ta face.
        Ma douceur est égale à ta grande douceur,
        Parfois même il nous semble être de même race...

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    Le couchant est semblable à la mort d’un poète…
    Ah ! pesanteur des ans et des songes vécus !
    Ici, je goûte en paix l’heure de la défaite,
    Car le soir pitoyable est l’ami des vaincus.

    Mes vers n’ont pas atteint à la calme excellence,
    Je l’ai compris, et nul ne les lira jamais…
    Il me reste la lune et le proche silence,
    Et les lys, et surtout la...

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        Le jour se glisse tel qu’un mauvais animal
        A travers mes vitraux pour surprendre mon mal !

        Le jour se glisse, ainsi qu’un serpent s’insinue,
        Dans mes regards… Il entre et voit mon âme nue.

        Il voit la vérité de mon trop grand amour,
        O jour maudit parmi tous les jours… Mauvais jour !

        Maudit sois-tu jusqu’à la limite...

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    Tu viendras, les yeux pleins du soir et de l’hier…
    Et ce sera par un beau couchant sur la mer.

    Frêle comme un berceau posé sur les flots lisses,
    Notre barques sera pleine d’ambre et d’épices.

    Les vents s’inclineront, soumis à mon vouloir.
    Je te dirai : « La mer nous appartient, ce soir. »

    Tes doigts ressembleront aux longs doigts des noyées....

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        I

        Ta robe participe à ton être enchanté,
        O ma très chère !… Elle est un peu de ta beauté.

        La respirer, c’est ton odeur que l’on dérobe.
        Ton cœur intime vit dans les plis de ta robe,

        L’odeur de nos baisers anciens est dans ses plis…
        Elle se ressouvient de nos divins oublis.

        En mon être secret je suis presque...

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    Parmi mes lys fanés je songe que c’est toi
    Qui me fis le plus grand chagrin d’amour, Venise !
    Tu m’as trahie autant qu’une femme et conquise
    En me prenant ma force, et mon rêve et ma foi.

    … Je ne cherche plus rien dans Venise : l’ivresse
    Des beaux palais n’est plus en moi ; le chant banal
    Des gondoliers me fait haïr le Grand Canal,
    Et je n’...