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    Quand le printemps a mûri l’herbe
    Qui porte la vie et le pain,
    Le moissonneur liant la gerbe
    L’emporte à l’aire du bon grain ;
    Il ne regarde pas si l’herbe qu’il enlève
    Verdit encore au pied de jeunesse et de sève,
    Ou si, sous les épis courbés en pavillon,
    Quelques frêles oiseaux, à qui l’ombre était douce,
    Du soleil ou du vent s’...

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    Je suis seul dans la prairie
    Assis au bord du ruisseau ;
    Déjà la feuille flétrie,
    Qu’un flot paresseux charrie,
    Jaunit l'écume de l’eau.

    La respiration douce
    Des bois au milieu du jour
    Donne une lente secousse
    A la vague, au brin de mousse,
    Au feuillage d’alentour.

    Seul et la cime bercée,
    Un jeune et haut peuplier...

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    Ici donnent, jetés par le flot de la guerre,
    D’intrépides soldats, nés sous un ciel plus beau :
    Vivants, ils ont porté les fers de l’Angleterre ;
    Morts, ce noble pays leur offrit dans sa terre
    L’hospitalité du tombeau.

    Là, toute inimitié s’efface sous la pierre ;
    Le dernier souffle éteint la haine dans les cœurs !
    Tout rentre dans la paix de...

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    Musa pedestris.

    Dans les plis d’un coteau j’étais assis à terre,
    Le soleil inondant l’horizon solitaire,
    Une brise des bois jouant dans mes cheveux,
    Paix, lumière et chaleur, servi dans tous mes vœux ;
    Mon jeune chien, quêtant parmi les sillons fauves.
    Effeuillait à mes pieds les bleuets et les mauves,
    Faisant lever...

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    MICOL, JONATHAS.

    MICOL, dans l’obscurité, sans voir Jonathan.

    Lastre des nuits à peine a fini sa carrière,
    Et déjà le sommeil a fui de ma paupière !
    O nuit ! ô doux sommeil ! tout ressent vos bienfaits !
    Hélas ! et mes yeux seuls ne les goûtent jamais !

    (Elle tombe à genoux près de l’arche.)

    Toi que j’invoque en...

  • Oh ! quand cette humble cloche à la lente volée
    Épand comme un soupir sa voix sur la vallée,
    Voix qu’arrête si près le bois ou le ravin ;
    Quand la main d’un enfant qui balance cette urne
    En verse à sons pieux dans la brise nocturne
                Ce que la terre a de divin ;

    Quand du clocher vibrant l’hirondelle habitante
    S’envole au vent d’airain qui...

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    O femme ! éclair vivant dont l’éclat me renverse !
    O vase de splendeur qu’un jour de Dieu transperce !
    Pourquoi nos yeux ravis fondent-ils sous les tiens ?
    Pourquoi mon âme en vain sous sa main comprimé
    S’élance-t-elle à toi comme une aigle enflammée
    Dont le feu du bûcher a brisé les liens ?

    Déjà l’hiver blanchit les sommets de ma vie
    Sur la...

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    Comme un vaisseau qui marche sans boussole,
    L’humanité flotte au sein de la nuit,
    Cherchant des yeux le phare qui console
    A l’horizon où nul flambeau ne luit ;
    Et l’équipage épouvanté répète
    Au mousse assis à la pointe des mâts :
    « Toi dont l’œil perce à travers la tempête,
    Enfant des mers, ne vois-tu rien là-bas ? »

    Interrompant la...

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    Dans les blés mûrs, un soir de fête,
    La jeune fille me cueillit ;
    Dans ses cheveux noirs, sur sa tête.
    Ma blanche étoile rejaillit.
    Fleur domestique et familière,
    Je m’y collais, comme le lierre
    Se colle au front du dahlia ;
    Sa joue en fut tout embellie ;
    Puis j’en tombai froide et pâlie :
    Son pied distrait me balaya.

    Mais le...

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    TOUSSAINT.

                                          Avancez,
    Mes enfants, mes amis, frères d’ignominie !
    Vous que hait la nature et que l’homme renie ;
    A qui le lait d’un sein par les chaînes meurtri
    N’a fait qu’un cœur de fiel dans un corps amaigri ;
    Vous, semblables en tout à ce qui fait la bête ;
    Reptiles, dont je suis et la main et la tête !...