Sur la place Vendôme, un soir de paix profonde,
J’entendis de tambours un roulement si grand,
Que, tout à coup, moi-même à l’unisson vibrant,
Je crus que l’on partait pour conquérir le monde !

Lancée aux quatre vents, la fanfare qui gronde
M’emmène avec un bruit...

Au coin du boulevard de la Reine, à Versailles,
Sur un vieux mur terreux, hérissé de broussailles,
Qui clôt de sa tristesse un plus triste jardin,
Une rose fleurit, comme au parc d’Aladin.

Je passe devant elle, & sa fraîcheur me trouble.
Cette rose n’a pas de...

Du grand roc Alburno les bergers aux traits hâves
Ont surnommé Pœstum l’antre des vals pourris,
Stigmatisant ainsi, taciturnes & graves,
La luxure où sombra cette autre Sybaris.

Mais ceux de Campanie honorent les débris
Qu’incrusta sur leurs monts la...

Poet: Louise Colet

Visible affreusement dans le courroux des mers,
C’est bien toi, Poséidôn ! que brave en mots amers
Ajax, le noir trident suspendu sur sa tête ;
Prométhée, appelant la foudre qui s’apprête,
A vu Zeus se dresser & les cieux obscurcis
Trembler au froncement des...

Poet: Léon Valade

Le chêne est vieux ; les ans, les vents & le tonnerre
Ont fait brèche à son front quatre fois centenaire.
Squelette immense, au loin, dans la brume des soirs,
Il tord sous un ciel gris ses bras noueux & noirs ;
Sur ses minces rameaux tremble un feuillage rare ;...

Un matin, le long d’une bruyère
A l’éclat tout vermeil,
J’aperçus une noire vipère
Qui dormait au soleil....

L’Éden était fermé. La terre ouvrait ses routes :
Adam, d’un seul regard, les interrogea toutes,
Et, ne pouvant choisir parmi tant de chemins,
Il se tourna vers Ève & dit : « Étends les mains :
Je te laisse le choix entre tous nos domaines.
Puisque j’ai quitté...

Des ombres de la nuit la campagne est voilée.
Nul astre aux cieux. Le vent d’automne dans les bois
Passe, souffle & murmure, & remplit la vallée
De sifflements pareils à de lugubre voix.

Malheur au vagabond qui, malade & sans gîte,
Par ce tempe...

Tout cuirassé de rocs anguleux & chenus,
Le pic inaccessible & qui ne veut pas d’hôtes
Va se perdre au-dessus des crêtes les plus hautes,
Vers le fourmillement des mondes inconnus.

Jamais nos sueurs n’ont fécondé ses flancs nus
Et le sillon jamais n’a...

Je veux ensevelir au linceul de la rime
Ce souvenir, malaise immense qui m’opprime.

Quand j’aurai fait ces vers, quand tous les auront lus,
Mon mal vulgarisé ne me poursuivra plus.

Car ce mal est trop grand pour que seul je le garde ;
Aussi j’ouvre mon âme à la...

Poet: Charles Cros