• Il dort, le blanc vieillard, dans son manteau vermeil ;
    L’Abeille de Sagesse à ses lèvres murmure.
    Guerrier depuis longtemps libre de son armure,
    De grands ressouvenirs agitent son sommeil.

    Il dort environné du royal appareil,
    Par les siècles l’ayant gardé sans entamure.
    Et sa gloire aujourd’hui qui tombe, moisson mûre,
    Nul n’a pu la faucher, du moins...

  • Un Christ en croix, saignant, maigre, pâle, livide.
    Il est seul, déserté de tous ; le ciel est vide :
    Ce ciel qu’il évoquait d’un regard éperdu :
    Ne s’est pas entr’ouvert et n’a rien répondu :
    Et ce Christ est-il mort dans l’angoisse suprême,
    Ayant douté de nous, de douter de Dieu même ?

  • La jeunesse en sa fleur première :
    L’orgueil farouche du devoir ;
    L’impatience de savoir,
    Jugeant courte une vie entière ;

    Tout ce qui parle de lumière ;
    Tout ce qui répugne à déchoir ;
    Tout ce qui peut germer d’espoir :
    Nous avons tout mis dans la bière !

    Jamais le bien, le vrai, le beau
    N’auraient trahi, dans le tombeau,
    Une âme à...

  • Le soleil de juillet flétrit la marguerite
    Et pèse lourdement au front du bouton d’or.
    La brise au plus profond des bois muets s’abrite :
    Le soleil luit toujours, le soleil luit encor !

    Dans les prés à demi desséchés, rien ne bouge ;
    Pas un bruit n’interrompt le sommeil des échos.
    Les faucheurs sont couchés au bord du sainfoin rouge,
    Marqué de traits...

  • Le char de Savitri par le silence noir
    Fait poudroyer de feu sa route solennelle.
    Au front de l’Imaüs l’Aube tente son aile
    Jusqu’au baiser du dieu pleine de nonchaloir.

    Savitri créateur, Soleil, vaincu du soir,
    A flot va s’épancher le jour de ta prunelle.
    Le brahmane t’implore et le lotus t’appelle,
    L’un pour le rayon d’or et l’autre pour l’espoir....

  • La droite en votre sein, retiré dans la tente
    Que forme autour de vous l’eau des nuages noirs,
    Vous vous taisez, Seigneur ! votre gloire éclatante
    Ne fendra-t-elle plus les sacrés réservoirs ?

    Vos ennemis, portant l’orgueil sur leurs visages,
    Ne cachent même plus leur fond d’iniquité ;
    Jamais vos serviteurs n’ont subi plus d’outrages :
    Comme eux tous...

  • Enseveli dans l’herbe verte
    Sur la lisière d’un grand bois,
    Je recueille, l’oreille ouverte,
    Tous les chants et toutes les voix.

    Tandis que dans un ciel d’opale
    Le soleil rouge disparaît ;
    Souvent je penche mon front pâle
    Vers le sol noir de la forêt.

    Et les yeux fixés sur la mousse,
    Spectacle charmant et profond,
    Je regarde l’herbe...

  • Le train stoppa ; c’était la station de Sèvres.

    Assis dans mon wagon, la cigarette aux lèvres,
    En jetant un regard dehors, je remarquai,
    Près de la porte en bois ouverte sur le quai,
    Un groupe de trois sœurs vraiment presque pareilles :
    Mêmes cheveux au vent derrière les oreilles,
    Mêmes chapeaux à fleurs, mêmes robes d’été,
    Même air de bonne humeur et...

  • La femme de Danton, douce même à la mort,
    Paisible elle s’est endormie
    Comme un lac par un soir sans brise ou dans un port
    Une voile en pleine accalmie.

    Quoi ! cette âme, la joie aimante du foyer...

  • Ma mère, je n’aurai ni l’épouse semblable
    A la vigne appuyée au mur de la maison,
    Ni les enfants rangés tout autour de la table
    Tels que des oliviers dans leur jeune saison.

    Béni par le Très-Haut, l’homme simple et robuste
    S’accroît et s’enrichit, et ses greniers sont pleins.
    Il est dit, non de tous, mais seulement du Juste :
    « Il mangera le fruit des...