• Voyez dans l’île au loin ces blés jaunes, mouvants
    Comme un lac d’or fondu sous la chaleur des vents ;
    Chaque onde en est d’une autre avec lenteur suivie
    Et la lourde moisson chante un hymne à la vie.
    Ce spectacle est divin ! — Mais crois-moi cependant,
    Suis la pente du Rhône, ô passager prudent,
    Descends vers la mer bleue aux brises salutaires
    Et fuis...

  • La roule est lente, hélas ! de la ville à la mer
    Et la fatigue est prompte et le pain est amer
    A qui le va gagner dans les cités avares.
    Les poissons à présent, plus maigres et plus rares,

    N’appesantissent plus ma nasse et mon filet
    D’où jadis une proie abondante roulait,
    Espoir d’un riche gain, dans ma barque joyeuse.
    Les Dieux n’assistent plus ma...

  • Par ma lèvre et mes doigts ardemment désirés,
    O tout petits cheveux échappés et rebelles
    Ébauchant sur son front des boucles naturelles
    Qu’au flexible persil un Grec eût comparés !

    Debout à son miroir, de sa main si légère
    Elle prenait plaisir à vous friser encor,
    Et moi je contemplais le riche et noir trésor,
    Cheveux dont les parfums sont perdus pour...

  • Un frémissement fier passe à travers les bois !

    Sous la tiède clarté de la nuit pacifique
    Le vieux peuple debout, dont les chênes sont rois,
    Enfle son âme au vent de leur âme stoïque.

    Et le siècle, le jour, l’heure, l’instant, le mois,
    Unissent tout à coup dans un arome unique
    Mille aromes au loin répandus à la fois.

    Le peuple fraternel aux...

  • Allah lui parle :

    La terre, l’Océan et le ciel sont mon corps ;
    Je suis tous les vivants et je suis tous les morts ;
    Le soleil, ce grand cœur brûlant, est mon cœur même ;
    Je meurs et je renais sans fin, je souffre et j’aime.
    Chacun de vous peut dire, ô rayons...

  • Bien des astres pareils aux foyers palpitants,
    Peut-être les plus beaux que chaque soir allume,
    Dardent un jeune éclat jusque dans notre brume,
    Qui sont des soleils morts, perdus depuis longtemps.

    Ceints des tourbillons nés de leurs flammes fécondes,
    Ils ont si loin de nous accompli leurs destins
    Que la lumière encor de ces globes éteints
    N’a pas...

  • Viens voir sur la colline, à l’heure où le jour fuit,
    Les constellations éclore dans la nuit.
    La campagne s’endort silencieuse. Écoute !…
    Les rumeurs des pesants chariots sur la route
    Vont s’éloignant toujours ; à peine, par moment,
    Du fond de quelque ferme un sonore aboîment
    Réveille les grands bois absorbés dans leur rêve.
    Les vagues des épis qu’un...

  • L’infini m’a prise, ami, je suis morte ;
    Je lègue mon ombre à tes bras déserts…
    D’autres s’en iront frapper à ta porte ;
    J’ai, comme un oiseau, pris la clef des airs.

    Nos âmes, toujours, ne sont pas fidèles ;
    J’avais le pied rose et l’œil andaloux,
    J’ignorais que Dieu m’eût donné des ailes,
    Tu ne l’as pas vu, tu n’es pas jaloux.

    Personne,...

  • En vain Midi sur les cieux
    Tend ses lumineuses toiles ;
    Je cherche toujours leurs yeux
    Dans les couchants pleins d’étoiles.

    A la première allumée
    Sur le bord de l’horizon
    Je donne en pleurant ton nom,
    Ma première bien-aimée !

    Le regard descend sur moi
    De celle qui t’a suivie
    Et me rend l’ancien émoi :
    Car celle-là prit ma vie...

  • A l’ombre des forêts je suis rasséréné.
    Oui, j’aime comme un fils ces vertes solitudes.
    Là, des temps primitifs que vit mon humble aîné,
    Je trouve l’innocence avec ses quiétudes.

    Dans les bois je reprends d’antiques habitudes,
    Tout un passé renaît en mon cœur étonné.
    Et, gai, vous oubliant, humaines lassitudes,
    Vers les arbres je cours d’un élan...