Le Parnasse contemporain/1876/Les Visions de Dschellaledin

Allah lui parle :

La terre, l’Océan et le ciel sont mon corps ;
Je suis tous les vivants et je suis tous les morts ;
Le soleil, ce grand cœur brûlant, est mon cœur même ;
Je meurs et je renais sans fin, je souffre et j’aime.
Chacun de vous peut dire, ô rayons dispersés,
J’étais le Créateur dans les siècles passés !
Je suis le Tout vivant, vous êtes mes parcelles,
Vous jaillissez de moi comme des étincelles.
Aimez donc, brillez donc, brûlez, âmes de feu,
Et rentrez en mon sein ! Vous redeviendrez Dieu !
Alors vous comprendrez le mystère des choses,
Que la vie et la mort sont les métamorphoses
De l’Être qui ne peut commencer ni finir,
Que je suis le présent, le passé, l’avenir,
L’Océan éternel d’où tout astre se lève,
Et que nous tous aurons donc fait le même rêve !
Poëte, en reflétant le monde dans tes vers,
Te souviens-tu d’avoir créé cet univers ?

Et si vous demandez : pourquoi tous ces mensonges ?
Je vous réponds : mon âme avait besoin de songes,
D’étoiles fleurissant ses mornes nuits d’été
Pour distraire l’horreur de son éternité !

Collection: 
1971

More from Poet

  • Les êtres pour le Sage ont l'aspect de fantômes ;
    Vaine agitation de forces et d'atomes,
    Un mouvement sans but tourmente l'univers,
    Que sans but réfléchit l'eau calme de mes vers.

  • Tout est mensonge : aime pourtant,
    Aime, rêve et désire encore ;
    Présente ton coeur palpitant
    À ces blessures qu'il adore.

    Tout est vanité : crois toujours,
    Aime sans fin, désire et rêve ;
    Ne reste jamais sans amours,
    Souviens-toi que la vie est brève...

  • Le sage aime la paix et la douceur des plantes,
    Leurs regards féminins et leur sérénité,
    Et le sage aime aussi les bêtes nonchalantes
    Qui dorment près de lui dans l'immobilité.

    Le soir, quand il succombe au lourd poids de la vie,
    Qu'il est las de penser et de rêver...

  • Ô nuit, ô belle nuit, pâle comme sa chair :
    Je rêve au passé mort, je rêve au passé clair...

    Je revois ta chair pâle, et rêve aux heures mortes,
    Où notre joie, où notre extase étaient si fortes !

    Le rossignol des nuits d'alors ne chante plus :
    Je songe à tes...

  • La nuit splendide et bleue est un paon étoilé
    Aux milliers d'yeux brillants comme des étincelles,
    Qui fait la roue et marche, ou vole et bat des ailes
    Devant ton trône, Allah, à nos regards voilé.