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    QUAND, penché sur le bord de la vie éternelle,
    Gouffre que le néant emplit silencieux,
    Tristement vers l’azur indifférent des cieux,
    Pour la dernière fois se tendra ma prunelle,

    Comptant le peu de bien que la vie eut en elle
    Et les obscurs déclins de mes jours radieux,
    Je n’accuserai pas l’inclémence des cieux
    Et ne maudirai pas cette heure...

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    QUAND la pairie était comme l’herbe fauchée
    Sous les pieds et la dent féroce du vainqueur.
    Poète, j’ai pleuré du profond de mon cœur
    Et sa splendeur éteinte et sa gloire couchée.

    Devant les morts sacrés dont elle était jonchée,
    J’ai dit mon désespoir, ma haine, ma rancœur
    Et j’ai mêlé ma voix au lamentable chœur
    Dont la pitié s’était vers sa...

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    I

    QUATRE-VINGTS ans déjà, qu’au ciel de la Patrie,
    Ployante sous le joug et par le fer meurtrie.
    Un astre se leva, pâlissant les flambeaux,
    Comme fait le matin les lampes des tombeaux.

    Comme une rose teinte au sang de la victoire,
    A l’horizon brumeux où fumait le canon,
    Du vieux sol paternel jaillit la fleur de gloire,
    O poète immortel...

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    AU seuil de la maison dont vous étiez l’exemple,
    Nous demeurons pensifs, alors que vous partez,
    Alexis ! — Car, en vous, notre regret contemple
    L’honneur de tant de jours par des succès comptés !

    Un demi-siècle est là qui garde la mémoire
    Des types immortels que votre âme anima.
    Un demi-siècle entier que l’Art, dans son histoire,
    Met votre nom...

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    C’EST au temps de la chrysanthème
    Qui fleurit au seuil des hivers
    Que l’amour cruel dont je t’aime
    En moi poussa des rameaux verts.

    Il naquit, doux et solitaire,
    A ces fleurs d’automne pareil
    Qui, pour parer encor la terre
    N’ont pas eu besoin de soleil.

    Sans redouter les jours moroses
    Qui font mourir les autres fleurs
    Il...

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    J’IGNORAIS tout de Toi, ne connaissant encore
    Que la douce fierté dont ton front se décore
    Et de tes yeux divins la sereine clarté.
    Mais aujourd’hui je sais jusqu’au bout le poème
    De ton corps enchanté. Voilà pourquoi je t’aime
    Avec tes sens nouveaux qu’éveilla ta Beauté !

    J’ignorais tout de Toi, ne connaissant encore
    Que le baiser furtif dont...

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    TU l’as bien dit : je ne sais pas t’aimer.
    Tout ce qu’un cœur peut enfermer d’ivresse,
    Cacher de pleurs et rêver de caresses,
    N’est pas encor digne te charmer.
    — Tu l’as bien dit : je ne sais pas t’aimer !

    Tu l’as bien dit : mes tendresses sont vaines,
    A moi, vaincu que ta grâce a dompté.
    Qui ne sais rien qu’adorer ta beauté
    Et te donner...

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    NOUS nous disions : quand le printemps
    Ramènera dans son haleine
    La splendeur des lys éclatants
    Et l’allégresse de la plaine.

    O printemps qui ne reviens pas !
    Quand du bout d’azur de ton aile
    Tu réveilleras sur nos pas
    L’âme des choses fraternelles

    Sous les bercements infinis
    Des feuillages que tu caresses,
    Quand, de la...

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    A vous s’en vont mes vers tremblants
    S’abattre devant vos pieds blancs
    Comme des colombes blessées ;
    Vous êtes ce qu’ils ont chanté,
    L’espoir, la grâce, la beauté,
    Toutes mes chimères passées

    Tous mes rêves me sont rendus ;
    L’ange des paradis perdus
    A leur seuil sous vos traits demeure :
    O doux ange au front éclatant,
    Ouvrez-...

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    ÊTES-VOUS femme, êtes-vous ange ?
    Ou votre nom mentit deux fois,
    O charmeresse dont la voix
    Tinte avec une grâce étrange ?

    Vos yeux dont le bleu divin change
    Comme celui des fleurs des bois
    Jettent, dans les cœurs aux abois,
    De crainte et d’espoir un mélange.

    De tous je ne sais rien vraiment.
    Peut être êtes-vous simplement,
    ...