• La femme ? une enfant presque, et le mari ? plus vieux.
    Mais, tous deux, courts, et roux de chevelures, d’yeux,
    Présentant l’un de l’autre à peu près même image,
    S’appareillaient. L’amour les rendait du même âge.

    Ces charbonniers des bois, visage et mains noircis,
    S’adoraient, travaillant, marchant, debout, assis,
    Du regard, du sourire, échangeaient leur...

  • Sur les grandes bouses de vache
    Le soleil met un ton pourpré.
    Elle chevauche au fond du pré
    Avec un petit air bravache.

    Elle effleure de sa cravache
    Le cou d’un alezan doré.
    Sur les grandes bouses de vache
    Le soleil met un ton pourpré.

    Mais son long voile bleu la cache,
    Je ne puis la voir à mon gré ;
    Et mon regard tombe navré,...

  •  
    Il était brun, très pâle, et toujours en grand deuil ;
    Ses paroles claquaient avec un bruit de flammes,
    Et de courtes lueurs plus froides que des lames
    Illuminaient parfois la brume de son œil.

    Un même goût pour l’art et pour les sombres drames,
    Le même âge, la même angoisse du cercueil,
    Un égal infini de tristesse et d’orgueil
    Eurent vite...

  •  
    L’Amour est un ange malsain
    Qui frémit, sanglote et soupire.
    Il est plus moelleux qu’un coussin,
    Plus subtil que l’air qu’on respire,
    Plus provocant qu’un spadassin.

    Chacun cède au mauvais dessein
    Que vous chuchote et vous inspire
    Le Dieu du meurtre et du larcin,
    ...

  • Indépendant d’instinct, d’esprit, d’âme et de fibre
    Et rendu toujours plus jugeur sain, penseur libre,
    Par son métier rôdant de pêcheur-braconnier,
    Le vieil ancien soldat, franc comme son visage,
    Évoquait devant moi ce souvenir guerrier
    Qu’il concluait ainsi de façon simple et sage :

    « Des marécag’ de sang qui s’fige et qui s’grumelle
    Où q’l’on voit...

  •  
    Archange féminin dont le bel œil, sans trêve,
    Miroite en s’embrumant comme un soleil navré,
    Apaise le chagrin de mon cœur enfiévré,
    Reine de la douceur, du silence et du rêve.

    Inspire-moi l’effort qui fait qu’on se relève,
    Enseigne le courage à mon corps éploré,
    Sauve-moi de l’ennui qui me rend effaré,
    Et fourbis mon espoir rouillé comme un...

  •  
    À la longue, je suis devenu bien morose :
    Mon rêve s’est éteint, mon rire s’est usé.
    Amour et Gloire ont fui comme un parfum de rose ;
    Rien ne fascine plus mon cœur désabusé.

    Il me reste pourtant un ange de chlorose,
    Enfant pâle qui veille et cherche à m’apaiser ;
    Sorte de lys humain que la tristesse arrose
    Et qui suspend son âme aux ailes du...

  •  
    Depuis que l’Horreur me fascine,
    Je suis l’oiseau de ce serpent.
    Je crois toujours qu’on m’assassine,
    Qu’on m’empoisonne ou qu’on me pend.

    L’Unité se double et se triple
    Devant mon œil épouvanté,
    Et le Simple devient multiple
    Avec une atroce clarté.

    Pour mon oreille, un pied qui frôle
    Les marches de mon escalier,
    Sur les...

  • Le silence et la solitude,
    Les ténèbres et le secret
    Sont les apaiseurs du regret,
    Du doute et de l’inquiétude.
    À creuser le songe on n’extrait
    Que l’ironique incertitude.
    Le monde, un moment, vous distrait
    Avec sa folle multitude,
    Mais, lorsqu’on en a fait l’étude,
    On en retrouve le portrait
    Dans sa propre vicissitude.
    Au...

  •  
    On venait de sortir de l’église ; ici, là,
    Les hommes se groupaient, lents, les mains dans les poches ;
    Entrant au cimetière, aux derniers sons des cloches,
    Les femmes rabattaient leur grand capuchon plat.

    Deux vieux — large chapeau, veste courte, air propret,
    Rasés, cravate énorme et noueusement mise
    D’où montaient les pointus d’un haut col de...