• Sous les rayons vivants de tes chaudes prunelles
    Le jardin de mon cœur fleurit abondamment,
    Et l’encens de ses fleurs transparentes et belles
    Parfume la splendeur tiède du ciel charmant.

    La fraîcheur des ruisseaux baigne d’un doux murmure
    Le sommeil lent et sourd des bois extasiés :
    Le vent harmonieux bruit sous leur ramure
    Et les gazhels d’Hudhud...

  • Las des pédants de Salamanque
    Et de l’école aux noirs gradins,
    Je vais me faire saltimbanque
    Et vivre avec les baladins.

    Que je couche entre quatre toiles,
    La nuque sur un vieux tambour,
    Mais que la fraîcheur des étoiles
    Baigne mon front brûlé d’amour.

    Je consens à risquer ma tête
    En jonglant avec des couteaux,
    Si le vin, ce but de...

  • Dans l’Atlas, — je ne sais si cette histoire est vraie, —
    Il existe, dit-on, de vastes blocs de craie,
    Mornes escarpements par le soleil brûlés ;
    Sur leurs flancs, les ravins font des plis de suaire ;
    A leur base s’étend un immense ossuaire,
    De carcasses à jour et de crânes pelés.

    Car le lion rusé, pour attirer le pâtre,
    Le Kabyle perdu dans ce désert...

  • Qu’il est inquiet, le mercure !
    — Inquiet autant que mon cœur ! —
    Quand une surface bien pure
    Étale sous lui sa longueur.

    Il hésite, il palpite, il tremble,
    Inquiet, sans but et sans loi.
    Oh ! comme mon cœur lui ressemble
    Lorsque mon cœur est loin de toi.

    Mais quand, épanchant ma tristesse
    Dans le ciel rêveur de tes yeux,
    Je vois l’...

  • Ta colère triomphe, ô Kâla ! nul refuge.
    Bleue encor des poisons de l’océan lacté,
    Ta sombre gorge avait amassé le déluge.

    Telle qu’un grand ravin par Marût habité,
    Ta narine profonde a soufflé la tourmente
    Sur l’incendie issu de ton œil irrité.

    Où sont les vastes cieux et la terre charmante ?
    Hélas ! toute la vie et toute la beauté
    Gisent sous...

  • Il n’avait qu’un habit vert,
    Un mince habit tout en loques,
    Et ses dents claquaient l’hiver,
    Comme un pendant de breloques.

    Loin des boulevards sablés
    Il traînait par la ruelle
    Ses vieux souliers éculés
    Et sa pensée immortelle.

    On l’a vu passer souvent
    Souriant d’un air étrange,
    Inspiré, cheveux au vent,
    Bohémien à face d’ange...

  • Allongeant dans l’air vide un regard hébété,
    Les pingouins sont groupés aux pointes des presqu’îles,
    Et la mer saute autour de ces spectres tranquilles,
    Immobiles témoins de sa mobilité.

    On ne les verra pas s’élancer dans l’orage,
    Car leurs pauvres moignons ne peuvent voltiger,
    Le ciel les déshérite, et, s’ils veulent nager,
    L’Océan dédaigneux les...

  • Voici la saison fraîche et rose
    Où, se levant dans un ciel pur,
    Le soleil jeune et blond arrose
    Les pâleurs moites de l’azur.

    L’Hiver, accroupi dans la pose
    D’un vieux mendiant contre un mur,
    Grelotte à l’Occident morose
    Que remplit un brouillard obscur,

    Mais, se déroulant comme une onde,
    Une large lumière inonde
    L’Orient vague et...

  • Je ne pensais à rien, pas même à mon remords.
    Allongé dans mon lit, je savourais l’absence
    Des rêves que le jour contre mon impuissance
    Lâche, comme un cheval à qui l’on ôte un mors.

    Ils laissaient reposer, enfin ! ma plaie intime,
    Car le soleil, au fond des couchants violets,
    Avait en s’en allant tiré dans ses filets
    Tous ces vampires las de sucer...

  • La seule chose que j’envie,
    C’est de sentir autour de moi
    Frémir l’insulte de la vie
    Pour en tirer un peu d’émoi.

    Salut donc, printemps dont le livre
    M’offre un martyrologe sûr,
    Salut, cher bourreau qui me livre
    Au vaste dédain de l’azur.

    Partout, en poses langoureuses,
    M’environne l’injure en fleur,
    Les petites feuilles heureuses...