Malheureux est celui qui plaça dans la femme
Son culte, espérant d’elle et constance et retour.
Plus malheureux le cœur où ne vit nulle flamme.
Mais cent fois malheureuse, hélas ! est la pauvre âme
Qui, n’aimant plus, ne peut oublier son amour.
Qu’importent désormais les terrestres délices
A qui d’un divin rêve a respiré la fleur !
Son flanc saigne rongé d’invisibles cilices ;
Sa lèvre trouve au fond des plus riants calices
D’un miel empoisonné l’implacable saveur.
Parmi les yeux brillants et les fronts impudiques,
La volupté l’appelle en vain ; un souvenir
Voile à jamais ses jours d’ombres mélancoliques :
L’illusion, la foi, les candeurs angéliques,
Tout est mort ! le passé ne doit plus revenir.
Qu’une vierge du ciel, de ses vertus parée,
Passe à travers sa nuit et ses songes flétris,
Morne et calme, il fuira la vision sacrée ;
L’ange est venu trop tard : dans son âme ulcérée
Rien n’est resté debout, tout est cendre et débris.
S’il put être trahi par l’Ève de la terre,
Il ne sait point tromper l’ange envoyé par Dieu :
Il fuit le lys sans tache et la fleur adultère ;
Et, seul, suivant sa voie aride et solitaire,
Il dit à l’espérance un éternel adieu.
O pauvre cœur détruit, noble temple en ruines,
Par la nue et l’orage et les ans dévastés !...
De ces murs foudroyés par les flammes divines
Nul n’approche, et l’autel, souillé d’herbe et d’épines,
Croule, encor plein du Dieu dont il fut habité.