Psyché

 
Elle passe sans bruit dans la maison déserte
Tenant entre ses mains une lampe qui meurt ;
Son voile safrané flotte dans la nuit verte,
Y laissant le parfum nocturne d’une fleur.

Elle passe sans bruit dans la maison de songe,
Son visage invisible est sans doute ingénu,
Et sa jambe divine, et longue et pâle, allonge
Un pied prudent et froid sur le dallage nu.

Parfois, son beau genou brille ainsi que la lune
Ou son ventre, entrevu sous le lin transparent ;
Ou bien, pour relever sa chevelure brune,
S’éclaire et s’arrondit un souple bras d’argent.

Sur l’étroitesse de son épaule polie,
De sa taille mouvante à son col étiré,
L’écharpe aérienne enroule ou bien replie
La spirale d’un grand coquillage nacré.

Sa main, en protégeant la lueur faible et rose,
Se colore un moment d’un feu vermeil et pur,
Et, comme un papillon sur une sombre rose,
Ses doigts illuminés cachent son sein obscur.

Elle presse à présent sa marche curieuse.
On ne voit plus briller la tremblante clarté
Qu’elle porte, et sa grâce errante et ténébreuse
Disparaît dans la nuit du palais enchanté…

Elle revient sans bruit quand naît l’aube rosée,
Et son petit visage est pâle et plein d’effroi ;
Son voile tremble et luit dans l’aurore irisée
Et le dallage lisse à ses pieds nus est froid.

C’est qu’elle a vu dormir parmi les peaux de bêtes
Cruel, mystérieux et terrible, l’Amour
Qui, dans son poing crispé, tenait ses flèches prêtes,
Et semblait tout sanglant sous la pâleur du jour.

Elle a vu le sourire inhumain de sa bouche,
Et sa fureur divine et son haineux désir,
Et soudain a senti, debout près de sa couche,
Une invincible horreur l’étreindre et la saisir.

Elle fuit en pleurant son étrange démence,
Son voile jaune s’enfle au vent du matin bleu,
Et ses yeux sont remplis de la terreur immense
D’avoir vu cet Amour… qu’elle croyait un Dieu !

Collection: 
1895

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