Un liseron, madame, aimait une fauvette.
– Vous pardonnerez bien cette idée au poète
Qu’une plante puisse être éprise d’un oiseau. –
Un liseron des bois, éclos près d’un ruisseau,
Au fond du parc, au bout du vieux mur plein de brèches,
Et qui, triste, rampait parmi les feuilles sèches,
Écoutant cette voix d’oiseau dans un tilleul,
Était au désespoir de fleurir pour lui seul.
Il voulut essayer, s’il en avait la force,
D’enlacer ce grand arbre à la rugueuse écorce
Et de grimper là-haut, là-haut, près de ce nid.
Il croyait, l’innocent, que quelque chose unit
Ce qui pousse et fleurit à ce qui vole et chante.
– Moi, son ambition me semble assez touchante,
Madame. Vous savez que les amants sont fous
Et ce qu’ils tenteraient pour être auprès de vous. –
Comme le chasseur grec, pour surprendre Diane,
Suivait le son lointain du cor, l’humble liane,
De ses clochetons bleus semant le chapelet,
Monta donc vers l’oiseau que son chant décelait.
Atteindre la fauvette et la charmer, quel rêve !
Hélas ! c’était trop beau ; car la goutte de sève
Que la terre donnait à ce frêle sarment
S’épuisait. Il montait, toujours plus lentement ;
Chaque matin sa fleur devenait plus débile ;
Puis, bien que liseron, il était malhabile,
Lui, né dans l’herbe courte où vivent les fourmis,
A gravir ces sommets aux écureuils permis.
Là, le vent est trop rude et l’ombre est trop épaisse.
– Mais tous les amoureux sont de la même espèce,
Madame ; – et vers le nid, d’où venait cette voix
Montait, montait toujours le liseron des bois.
Enfin, comme il touchait au but de son voyage,
Il ne put supporter la fraîcheur du feuillage
Et mourut, en donnant, le jour de son trépas,
Une dernière fleur que l’oiseau ne vit pas.
– Comment ? vous soupirez et vous baissez la tête,
Madame…
Un liseron adore une fauvette.