Premiers aéroplanes

Les roses de l’été — couleur, parfum et miel —
Peuplent l’air diaphane ;
Mais la guerre parsème effrayamment le ciel
De grands aéroplanes.

Ils s’envolent si haut qu’on ne les entend pas
Vrombir dans la lumière
Et que l’ombre qu’ils allongent de haut en bas
S’arrête avant la terre.

L’aile courbe et rigide et le châssis tendu,
Ils vont, passent et rôdent,
Et promènent partout le danger suspendu
De leur brusque maraude.

Ceux des villes les regardant virer et fuir
Ne distinguent pas même
Sur leur avant d’acier ou sur leur flanc de cuir
Leur marque ou leur emblème.

On crie, — et nul ne sait quelle âme habite en eux,
Ni vers quel but de guerre
Leur vol tout à la fois sinistre et lumineux
Dirige son mystère.

Ils s’éloignent soudain dans la pleine clarté,
Dieu sait par quelle voie,
En emportant l’affre et la peur de la cité
Pour butin et pour proie.

Collection: 
1916

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