José-Maria de Heredia

  • L'homme a conquis la terre ardente des lions
    Et celle des venins et celle des reptiles,
    Et troublé l'Océan où cinglent les nautiles
    Du sillage doré des anciens galions.

    Mais plus loin que la neige et que les tourbillons
    Du Ström et que l'horreur des Spitzbergs...

  • A Gustave Moreau.

    En un calme enchanté, sous l'ample frondaison
    De la forêt, berceau des antiques alarmes,
    Une aube merveilleuse avivait de ses larmes,
    Autour d'eux, une étrange et riche floraison.

    Par l'air magique où flotte un parfum de poison,
    Sa...

  • Vieux Maître Relieur, l'or que tu ciselas
    Au dos du livre et dans l'épaisseur de la tranche
    N'a plus, malgré les fers poussés d'une main franche,
    La rutilante ardeur de ses premiers éclats.

    Les chiffres enlacés que liait l'entrelacs
    S'effacent chaque jour de la...

  • Ce soir, au réduit sombre où ronfle l'athanor,
    Le grand feu prisonnier de la brique rougie
    Exalte son ardeur et souffle sa magie
    Au cuivre que l'émail fait plus riche que l'or.

    Et sous mes pinceaux naît, vit, court et prend l'essor
    Le peuple monstrueux de la...

  • Ecce villicus Venit...
    CATULLE.

    Holà, maudits enfants ! Gare au piège, à la trappe,
    Au chien ! Je ne veux plus, moi qui garde ce lieu,
    Qu'on vienne, sous couleur d'y quérir un caïeu
    D'ail, piller mes fruitiers et grappiller ma grappe.

    D'ailleurs, là-...

  • L'âcre senteur des bois montant de toutes parts,
    Chasseresse, a gonflé ta narine élargie,
    Et, dans ta virginale et virile énergie,
    Rejetant tes cheveux en arrière, tu pars !

    Et du rugissement des rauques léopards
    Jusqu'à la nuit tu fais retentir Ortygie,
    Et...

  • I

    Midi. L'air brûle et sous la terrible lumière
    Le vieux fleuve alangui roule des flots de plomb ;
    Du zénith aveuglant le jour tombe d'aplomb,
    Et l'implacable Phré couvre l'Égypte entière.

    Les grands sphinx qui jamais n'ont baissé la paupière,
    ...

  • Seigneur de Rimini, Vicaire et Podestà.
    Son profil d'épervier vit, s'accuse ou recule
    A la lueur d'airain d'un fauve crépuscule,
    Dans l'orbe où Matteo de' Pastis l'incrusta.

    Or, de tous les tyrans qu'un peuple détesta,
    Nul, comte, marquis, duc, prince ou...

  • Pour me conduire au Raz, j'avais pris à Trogor
    Un berger chevelu comme un ancien Évhage ;
    Et nous foulions, humant son arome sauvage,
    L'âpre terre kymrique où croît le genêt d'or.

    Le couchant rougissait et nous marchions encor,
    Lorsque le souffle amer me...

  • Tel que Delphes l'a vu quand, Thymos le suivant,
    Il volait par le stade aux clameurs de la foule,
    Tel Ladas court encor sur le socle qu'il foule
    D'un pied de bronze, svelte et plus vif que le vent.

    Le bras tendu, l'oeil fixe et le torse en avant,
    Une sueur d'airain...