Cécile Sauvage

  • Nature, laisse-moi me mêler à ta fange,
    M'enfoncer dans la terre où la racine mange,
    Où la sève montante est pareille à mon sang.
    Je suis comme ton monde où fauche le croissant
    Et sous le baiser dru du soleil qui ruisselle,
    J'ai le frisson luisant de ton herbe...

  • Une lente voix murmure
    Dans la verte feuillaison ;
    Est-ce un rêve ou la nature
    Qui réveille sa chanson ?
    Cette voix dolente et pure
    Glisse le long des rameaux :
    Si fondue est la mesure
    Qu'elle se perd dans les mots,
    Si douces sont les paroles
    ...

  • Que ton fruit de sang qui loge en mon sein
    Soit pareil, amour, à ton être humain,
    Que le petit nid ombreux qui se ferme
    Pour envelopper et mûrir le germe
    Sente remuer ta plus jeune enfance
    Comme elle le fit dans l'avant-naissance
    Au flanc maternel en un temps...

  • Choisis-moi, dans les joncs tressés de ta corbeille,
    Une poire d'automne ayant un goût d'abeille,
    Et dont le flanc doré, creusé jusqu'à moitié,
    Offre une voûte blanche et d'un grain régulier.
    Choisis-moi le raisin qu'une poussière voile
    Et qui semble un insecte...

  • Le coeur tremblant, la joue en feu,
    J'emporte dans mes cheveux
    Tes lèvres encore tièdes.
    Tes baisers restent suspendus
    Sur mon front et mes bras nus
    Comme des papillons humides.
    Je garde aussi ton bras d'amant,
    Autoritaire enlacement,
    Comme une...

  • Dans cette tasse claire où luit un cercle d'or
    J'ai versé du lait blanc pour ta lèvre vermeille.
    Comme un enfant dolent le long du corridor
    Un rayon de soleil s'étant couché sommeille.

    Vois, la mouche gourmande est plus sage que toi.
    Perchée au bord du vase où...

  • Ô Beauté nue,
    Les oiseaux volent dans le calme
    Où la digitale remue,
    Où la fougère aux fines palmes
    Est encor d'un vert tendre au pied de l'aulne obscur.
    Une molle buée enveloppe l'azur,
    Allège les lointains, les arbres, les maisons,
    Noie à demi la ferme et...

  • Dans l'ombre de ce vallon
    Pointent les formes légères
    Du Rêve. Entre les bourgeons
    Et du milieu des fougères
    Émergent des fronts songeurs
    Dans leurs molles chevelures,
    Et des mamelles plus pures
    Que le calice des fleurs.

    Ô rêve, de cette...

  • Tu tettes le lait pur de mon âme sereine,
    Mon petit nourrisson qui n'as pas vu le jour,
    Et sur ses genoux blancs elle, berce la tienne
    En lui parlant tout bas de la vie au front lourd.

    Voici le lait d'esprit et le lait de tendresse,
    Voici le regard d'or qu'on...

  • Ma maison est assise au vent
    Dans une plaine sombre et nue
    Comme un tombeau pour un vivant
    Où s'agite ma chair menue.

    Les longs brouillards viennent frôler
    Au soir ma porte solitaire,
    Et je ne sais rien de la terre
    Que ma tristesse d'exilé.