André Chénier

  • Tout homme a ses douleurs. Mais aux yeux de ses frères
    Chacun d'un front serein déguise ses misères.
    Chacun ne plaint que soi. Chacun dans son ennui
    Envie un autre humain qui se plaint comme lui.
    Nul des autres mortels ne mesure les peines,
    Qu'ils savent tous cacher...

  • Je dirai l'innocence en butte à l'imposture,
    Et le pouvoir inique, et la vieillesse impure,
    L'enfance auguste et sage, et Dieu, dans ses bienfaits,
    Qui daigne la choisir pour venger les forfaits.
    Ô fille du Très-Haut, organe du génie,
    Voix sublime et touchante,...

  • Ô délices d'amour ! et toi, molle paresse,
    Vous aurez donc usé mon oisive jeunesse !
    Les belles sont partout. Pour chercher les beaux-arts,
    Des Alpes vainement j'ai franchi les remparts :
    Rome d'amours en foule assiége mon asile.
    Sage vieillesse, accours ! Ô déesse...

  • Jeune fille, ton coeur avec nous veut se taire
    Tu fuis, tu ne ris plus ; rien ne saurait te plaire.
    La soie à tes travaux offre en vain des couleurs ;
    L'aiguille sous tes doigts n'anime plus des fleurs.
    Tu n'aimes qu'à rêver, muette, seule, errante,
    Et la rose pâlit...

  • Aujourd'hui qu'au tombeau je suis prêt à descendre,
    Mes amis, dans vos mains je dépose ma cendre.
    Je ne veux point, couvert d'un funèbre linceul,
    Que les pontifes saints autour de mon cercueil,
    Appelés aux accents de l'airain lent et sombre,
    De leur chant lamentable...

  • (Saint-Lazare)

    Triste vieillard, depuis que pour tes cheveux blancs
    Il n'est plus de soutien de tes jours chancelants,
    Que ton fils orphelin n'est plus à son vieux père,
    Renfermé sous ton toit et fuyant la lumière,
    Un sombre ennui t'opprime et dévore ton sein...

  • Ah ! je les reconnais, et mon coeur se réveille.
    Ô sons ! ô douces voix chères à mon oreille !
    Ô mes Muses, c'est vous ; vous mon premier amour,
    Vous qui m'avez aimé dès que j'ai vu le jour.
    Leurs bras, à mon berceau dérobant mon enfance,
    Me portaient sous la grotte...

  • Mai de moins de roses, l'automne
    De moins de pampres se couronne,
    Moins d'épis flottent en moissons,
    Que sur mes lèvres, sur ma lyre,
    Fanny, tes regards, ton sourire,
    Ne font éclore de chansons.

    Les secrets pensers de mon âme
    Sortent en paroles de...

  • Ainsi le jeune amant, seul, loin de ses délices,
    S'assied sous un mélèze au bord des précipices,
    Et là, revoit la lettre où, dans un doux ennui,
    Sa belle amante pleure et ne vit que pour lui.
    Il savoure à loisir ces lignes qu'il dévore ;
    Il les lit, les relit et les...

  • Souvent le malheureux songe à quitter la vie ;
    L'espérance crédule à vivre le convie.
    Le soldat sous la tente espère, avec la paix,
    Le repos, les chansons, les danses, les banquets.
    Gémissant sur le soc, le laboureur d'avance
    Voit ses guérets chargés d'une heureuse...