Émile Verhaeren

  • Mes doigts, touchez mon front et cherchez, là,
    Les vers qui rongeront, un jour, de leur morsure,
    Mes chairs ; touchez mon front, mes maigres doigts, voilà
    Que mes veines déjà, comme une meurtrissure
    Bleuâtre, étrangement, en font le tour, mes las
    Et pauvres doigts - et...

  • Dans le silence et la grandeur des cathédrales,
    La cité, riche avait jadis, dressé vers Dieu
    De merveilleux autels,, tordus comme des feux
    Cuivres, bronzes, argents, cartels, rinceaux, spirales.

    Les chefs vainqueurs et leurs soldats
    Y suspendaient les vieux...

  • Le clair jardin c'est la santé.

    Il la prodigue, en sa clarté,
    Au va-et-vient de ses milliers de mains,
    De palmes et de feuilles,

    Et la bonne ombre, où il accueille,
    Après de longs chemins,
    Nos pas,
    Verse, à nos membres las,
    Une force vivace et...

  • A cropetons, ainsi que les pauvres Maries
    Des légendes de l'autrefois,
    Par villages, sous les cieux froids,
    Sont assises les métairies :

    Chaumes teigneux, pignons crevés, carreaux fendus,
    Souffreteuses et lamentables ;
    Le vent siffle, par les étables
    Et...

  • Dalles au fond des lointains clairs et lacs d'opales,
    Pendant les grands hivers, lorsque les nuits sont pâles
    Et qu'un autel de froid s'éclaire au choeur des neiges !

    Le gel se râpe en givre ardent à travers branches,
    Le gel ! - et de grandes ailes qui volent...

  • Comme des objets frêles,
    Les vaisseaux blancs semblent posés
    Sur la mer éternelle.

    Le vent futile et pur n'est que baisers ;
    Et les écumes,
    Qui doucement échouent
    Contre les proues,
    Ne sont que plumes ;
    Il fait dimanche sur la mer !

    ...

  • Il gèle et des arbres pâlis de givre clair
    Montent au loin, ainsi que des faisceaux de lune ;
    Au ciel purifié, aucun nuage ; aucune
    Tache sur l'infini silencieux de l'air.

    Le fleuve où la lueur des astres se réfracte
    Semble dallé d'acier et maçonné d'argent ;...

  • Moines, vos chants d'aurore ont des élans d'espoir,
    Et des bruits retombants de cloche et d'encensoir :

    Quand les regards, suivant leur route coutumière,
    Montent vers les sommets chercher de la lumière ;

    Quand le corps, dégourdi des langueurs du réveil,
    ...

  • Le monde est fait avec des astres et des hommes.
    Là-haut,
    Depuis quels temps à tout jamais silencieux,
    Là-haut,
    En quels jardins profonds et violents des cieux,
    Là-haut,
    Autour de quels soleils,
    Pareils
    à des ruches de feux,
    Tourne, dans la splendeur...

  • Hélas, depuis les jours des suprêmes combats,
    Tes compagnes sont la frayeur et l'infortune ;
    Tu n'as plus pour pays que des lambeaux de dunes
    Et des plaines en feu sur l'horizon, là-bas.

    Anvers et Gand et Liége et Bruxelles et Bruges
    Te furent arrachés et gémissent...