Émile Verhaeren

  • Tous les chemins vont vers la ville.

    Du fond des brumes,
    Avec tous ses étages en voyage
    Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
    Comme d'un rêve, elle s'exhume.

    Là-bas,
    Ce sont des ponts musclés de fer,
    Lancés, par bonds, à travers l'air ;...

  • Le soir tombe, la lune est d'or.

    Avant la fin de la journée
    Va-t'en gaîment jusqu'au jardin
    Cueillir avec tes douces mains
    Les quelques fleurs qui n'y sont point encor
    Tristement, vers la terre, inclinées.

    Que le feuillage soit déjà blême, qu'importe...

  • Sous des cieux faits de filasse et de suie,
    D'où choit morne et longue la pluie,
    Voici pourrir
    Au vent tenace et monotone,
    Les ors d'automne ;
    Voici les ors et les pourpres mourir.

    O vous qui frémissiez, doucement volontaires,
    Là-haut, contre le ciel...

  • Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie,
    Dis, combien l'absence, même d'un jour,
    Attriste et attise l'amour ,
    Et le réveille, en ses brûlures endormies ?

    Je m'en vais au-devant de ceux
    Qui reviennent des lointains merveilleux
    Où, dès l'aube, tu es allée ;...

  • Le déclin du soleil étend, jusqu'aux lointains,
    Son silence et sa paix comme un pâle cilice ;
    Les choses sont d'aspect méticuleux et lisse
    Et se détaillent clair sur des fonds byzantins.

    L'averse a sabré l'air de ses lames de grêle,
    Et voici que le ciel luit...

  • Les grand'routes tracent des croix
    A l'infini, à travers bois ;
    Les grand'routes tracent des croix lointaines
    A l'infini, à travers plaines ;
    Les grand'routes tracent des croix
    Dans l'air livide et froid,
    Où voyagent les vents déchevelés
    A l'infini, par...

  • Chaque heure, où je songe à ta bonté
    Si simplement profonde,
    Je me confonds en prières vers toi.

    Je suis venu si tard
    Vers la douceur de ton regard,
    Et de si loin vers tes deux mains tendues,
    Tranquillement, par à travers les étendues!

    J'avais en...

  • Sois-nous propice et consolante encor, lumière,
    Pâle clarté d'hiver qui baignera nos fronts,
    Quand, tous les deux, l'après-midi, nous nous rendrons
    Respirer au jardin une tiédeur dernière.

    Nous t'aimâmes, jadis, avec un tel orgueil,
    Avec un tel amour bondissant...

  • Je suis sorti des bosquets du sommeil,
    Morose un peu de t'avoir délaissée
    Sous leurs branches et leurs ombres tressées,
    Loin du joyeux et matinal soleil.

    Déjà luisent les phlox et les roses trémières ;
    Et je m'en vais par le jardin, songeant
    A des vers clairs...

  • Les menus faits, les mille riens,
    Une lettre, une date, un humble anniversaire,
    Un mot que l'on redit comme aux jours de naguère
    Exalte en ces longs soirs ton coeur comme le mien.

    Et nous solennisons pour nous ces simples choses
    Et nous comptons et recomptons...