L’Arré s’est recueilli sous son manteau de givre,
Mais je lis dans son cœur comme dans un vrai livre,
Oui ! je sais qu’il médite à la chanson du vent,
Sur le bon temps passé puis sur le temps présent.
La blanche neige ouatant les garennes austères,
Harmonise à souhait les horizons sévères,
Artiste résolu de tout repeindre, au gré
Fantaisiste et charmant de sa dualité.
Son âme qui vibre, dans l’absolu silence
Quémande le secret de son intermittence,
À mille êtres grouillant, sous son épais tapis,
À des peuples entiers bien chaudement blottis,
Aux genêts, aux ajoncs, aux bruyères craintives,
Aux fougères en deuil, aux merles, puis aux grives
Attardés et bloqués dans de méchants buissons ;
Aux roitelets gaillards, à d’autres oisillons,
Aux lézards endormis, les seuls que rien n’effare,
Dans leur antre inconnu, nul souci ne s’égare…
Mornes et bruns, trouant le ciel plus gris, des rocs,
Dont les noms sont si durs et coupants, tels des socs.
Des rochers dont les noms nous disent l’humeur fière
Et vont, clamant bien haut leur belle ardeur guerrière.
D’abord un dos voûté, c’est Menez Sant Mikaël,
Ce vieux gardien têtu de notre Breiz-Izel,
Mais la chapelle ainsi, sous la divine couche
De ce vierge duvet, se donne un air fort louche.
Le regard lumineux qui naît de son vitrail
Profuse par moments des teintes de corail,
Et le dôme agrandi, perdant son charme agreste,
S’étonne de se voir en paysage funeste,
Comme il en est toujours dans les contes d’Argoat.
Quel monstre tout pareil au vieux géant Gargoat,
Quel colosse païen se servit de la Chaise ?
(Gargantua, ma foi, s’y tiendrait fort à l’aise !)
Mais ce héros obscur de l’énorme Kador
Déjà, depuis beau temps, a délaissé l’Armor.
Voici Roc’h an Haden dont l’histoire m’échappe.
Ce roc au nom brutal dont l’oreille se frappe
Surveille avidement, aux abords de Rôs-dû,
Le prestige envolé d’un âge révolu.
Et voilà Vich-Hourel estompant sa plastique
Au-dessus de Ti-Bout d’aspect hiératique.
Il a, d’un tournemain, troqué son incarnat
Contre un voile de lys, festonné d’apparat.
Roc’h Véchek par devant, pointu comme une épée,
Devient magicien d’un doux conte de fée.
Roc’h ar Feunten où donc, dites, où cachez-vous
La source dont la voix pétille de glouglous ?
Avec un soin jaloux vous gardez votre aubaine
Loin des regards envieux des hommes de la plaine.
Roc’h Trévézel sourit et happe les flocons.
Son immense chupen s’en fera des boutons.
Roc’h Trédudon s’exhibe en chapeau de sorcière
Uniquement taillé dans la blanche bannière
Que les arêtes, là, tendent de loin en loin.
Tel rocher bestial montre un énorme groin ;
Un autre plat et vil a pris l’allure insigne,
Le profil élégant et pur d’un col de cygne.
À celui-ci va bien un petit air rêveur,
À cet autre se voit un maintien querelleur.
À nos rochers d’Arrée un changement s’impose,
La Neige a sa palette et les métamorphose.