Je ne te connais pas, mon Dieu, mais je t’adore.
Oui, j’ai cru t’entrevoir dans une ardente aurore,
Comme un soleil voilé de nuages de feu,
Et ce cri m’a jailli du cœur : Voilà mon Dieu !
Mais la rouge splendeur du ciel s’est effacée,
Et je suis seul avec ma cruelle pensée.
Ah ! pouvais-je espérer ta présence ? et pourquoi,
Mon Dieu, te serais-tu dévoilé devant moi ?
Depuis que l’homme est né de ton souffle, les sages,
Tournant vers l’horizon leurs anxieux visages,
Attendent que, parmi des houles de clarté,
Surgisse l’éternel Soleil de vérité.
Ils s’enivrent de l’air purifiant des cimes ;
Ils contemplent sans fin des mirages sublimes ;
D’avance ils ont tracé ton chemin dans les cieux.
Chacun croit posséder ton nom mystérieux
Comme un sur talisman qui te fera paraître...
Mais tu n’obéis pas à la bouche du prêtre ;
Et, parmi tant de noms psalmodiés en vain,
Il n’en est pas un seul qui soit le nom divin.
Du moins nos visions ne sont pas des mensonges.
Quelque chose de toi transfigure nos songes.
Dans le grossier symbole éclate l’idéal ;
Et je recueille avec un respect filial
Les louanges, les cris de désir et les plaintes
De ceux qui t’ont cherché dans les ténèbres saintes.
Je ne sais pas, Seigneur, qui t’a le mieux compris.
Tu ne dédaignes point les plus humbles esprits,
Et peut-être aimes-tu leur instinctif hommage
Autant que l’oraison magnifique du mage.
Pour te glorifier, c’est encore trop peu
De tout ce qu’ont chanté les siècles, ô mon Dieu !
Je retrouve en mon cœur la foi de mes ancêtres
Qui peuplèrent le ciel de beaux et nobles êtres
Avant de pressentir ta suprême unité.
Avec d’autres, Seigneur, je crois en la bonté
D’un Maître qui souvent frappe sa créature.
Je ne m’indigne pas qu’on t’appelle Nature :
Que tu sois le saint Juge ou la divine Loi,
Mon âme s’épandra, brûlante, devant toi.
Car les peuples anciens, frémissant de revivre,
M'apparaissent : chacun me présente son livre
Et veut donner la vie à mon hymne tardif
Par la foi qui n’est plus et l’accent primitif.
Puisse-je ressaisir, pour exprimer mon âme,
Leur pur enthousiasme et leur verbe de flamme !
Toi qui fus longuement et vainement cherché,
Pardonne, Être inconnu, pardonne, ô Dieu caché,
Si, croyant te bénir, ma bouche te blasphème.
Le silence est mortel pour une âme qui t’aime.
Laisse-moi soulever tes voiles à mon tour
Et te balbutier des paroles d’amour.