Lune, toi qui franchis, pâle et silencieuse,
L’azur plein d’astres d’or dont la foule te suit ;
Qui jettes sur nos fronts ta clarté radieuse,
Comme un rêve d’argent qui traverse la nuit ;
Tes rayons égarés dans le cristal de l’onde
Semblent des diamants entraînés par le flot,
Qui les berce aux accents d’une chanson profonde,
Belle comme le ciel, triste comme un sanglot.
Tes limpides reflets vont jouer sur les crêtes
Des grands monts sourcilleux rêvant dans l’infini,
Posent des franges d’or sur les fines arêtes,
Sur les rocs crevassés où l’aigle fait son nid.
Dans ton ellipse immense et sans cesse la même,
Combien d’êtres humains n’as-tu pas vu, hélas !
S’avancer lentement jusqu’au gouffre suprême
Où doivent s’engloutir les vivants d’ici-bas ?
Et sais-tu que toi-même aussi, nocturne reine,
Tu cesseras un jour de briller dans les cieux ?
Tu mourras comme doit mourir la race humaine,
Et l’ombre habitera les airs silencieux.
De toutes tes splendeurs, de tes beautés divines,
De ce rayonnement qui remplissait les airs,
Il ne restera rien qu’un chaos en ruines
Traversant égaré la nuit de l’univers !
Piora, août 1881.