C’est l’âme des aïeux que vers l’azur clément
Les grands arbres des bois élèvent lentement,
Debout dans leur vieillesse héroïque et superbe ;
Nos morts, nos jeunes morts, à nous, dorment sous l’herbe.
Quelque broussaille, à peine, aux feuillages penchés,
Jette un rameau vivant sur les premiers couchés
Et rend à nos regards, à l’air sacré qui passe,
Aux rayons du soleil, aux ailes de l’espace
Un peu de ce qui fut autrefois notre cœur !
Et la ronce, pareille au souvenir vainqueur
Qui ploie à ses liens toute peine qui dure,
Cloue à leurs vains tombeaux cette pâle verdure.
Sous cette épine, aussi, ce qui reste de nous
Se penche et se déchire et brise nos genoux,
Et courbe notre front que le deuil rend austère
Jusqu’aux embrassements suprêmes de la Terre.
Et la Terre, sentant ce filial baiser
Que sur son sein maudit tout homme vient poser,
S’émeut et prend pitié de nos destins moroses
Et, parmi ces buissons, laisse croître des roses
Où se respire encor l’âme des bien-aimés,
Dans le recueillement des longs soirs parfumés,
A l’heure où, scintillant comme un pleur sous des voiles,
La tristesse des nuits monte aux yeux des étoiles.