À Valognes

 
    ..... C’était dans la ville adorée
Sarcophage pour moi des premiers souvenirs,
Où tout enfant j’avais, en mon âme enivrée
Rêvé ces bonheurs fous qui restent des désirs !
C’était là... qu’une après-midi, dans une rue,
Dont un soleil d’août, de sa lumière drue,
Frappait le blanc pavé désert, ― qu’elle passa,
Et qu’en moi, sur ses pas, tout mon cœur s’élança !
    Elle passa, charmante à n’y pas croire,
Car ils la disent laide ici, ― stupide gent !
Tunique blanche au vent sur une robe noire,
Elle était pour mes jeux comme un vase élégant
      Incrusté d’ébène et d’ivoire !
Je la suivis... ― Ton cœur ne t’a pas dit tout bas

Que quelqu’un te suivait, innocente divine,
      Et mettait... mettait, pas pour pas,
      Sa botte où tombait ta bottine ?...
Qui sait ? Dieu te sculpta peut-être pour l’amour,
Ô svelte vase humain, élancé sur ta base !
      Pourquoi donc n’es-tu pas, ô Vase !
L’urne de ce cœur mort que tu fis battre un jour !

Août 1875.

Collection: 
1828

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    C’était un fier oiseau, farouche et solitaire,
    Au bec crochu d’or pâle, aux pieds d’ambre, à l’œil clair,
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    Aux flots verts, à la nue, aux brisans, au grand air !
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    Où...

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    Seulement !...

    Si mon cœur faisait ses mémoires
    Je crois que j’y mettrais ceci :
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    « Avec un jupon cramoisi. »

    C’était ravissant ! — Les donzelles
    De ce soir et de ce salon,
    Se...

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    ...