À une inconnue

 
De nos forêts tige inconnue,
Toi qui de tes fraîches hauteurs
Sur ma route brûlée et nue
As versé tes vierges senteurs ;

Grotte mystérieuse et douce,
Oasis de palmiers couvert,
Fontaine où je puis sur la mousse
Boire avec l’oiseau du désert ;

Pensive enfant de ma vallée,
Muse cachée au fond des bois,
Âme fraternelle et voilée,
Dont la voix répond à ma voix ;

Toi qui dans l’ombre et solitaire
As tressé pour l’obscur chanteur
Une couronne de mystère
Des premiers songes de ton cœur ;

Puisque à mes yeux ton front se voile,
O lys que trahit son odeur ;
Puisque, invisible et chaste étoile,
Tu t’enfermes dans ta pudeur ;

Garde ton ombre, âme discrète !
Sainte est pour moi ta volonté.
Mais, ô muse ! que le poète
Toujours te sente à son côté.

De tes songes peuple mes rêves,
De mes chansons enivre-toi :
Pareille à l’oiseau blanc des grèves,
Plane sans cesse autour de moi !

Sois l’Ariane pure et blonde
Qui, m’inspirant dans mes sommeils,
Me conduise à travers le monde
Par le fil d’or de ses conseils.

Loin des bruits de la multitude,
Sois mon nid dans les rameaux verts ;
Le palmier de ma solitude
Où viendront s’abriter mes vers.

De mes flots troublés sois le cygne.
Garde-moi ta douce pitié,
Car j’ai souffert, et je suis digne
Que quelqu’un m’ait en amitié.

Et dans ton mystère, ange ou femme,
Que le ciel te bénisse un jour,
Pour avoir fait à ma pauvre âme
La sainte aumône de l’amour !

Collection: 
1835

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