Mes victoires

 
I

Tel un arc triomphal, plein d’ocres et d’azurs,
Les horizons du soir s’ouvrent larges et purs.

Quand passerai-je, avec mes Victoires dans l’âme,
Sous l’arc édifié pour celui qu’on acclame ?

L’arc mémorable et vaste enferme le couchant
En sa courbe pareille au rythme fier d’un chant.

Quand passerai-je, ayant sur moi comme un bruit d’ailes
Que font, dans l’air sacré, mes Victoires fidèles ?

Certes, l’heure n’est point aux poètes, et moi
Je n’ai que ma jeunesse et ma force et ma foi.

L’arc triomphal est là, clair parmi les nuits noires.
Quand passerai-je, sous l’aile de mes Victoires ?

 

II

Je le sais, ― aujourd’hui cela fait moins de mal,
Je ne passerai point sous un arc triomphal.

Et je n’entendrai point la voix ivre des femmes
Qui sanglotent : « Voici l’offrande de nos âmes… »

Résignée, et songeant aux défaites passées,
J’aurai sur moi le bruit de leurs ailes lassées…

Comme un arc triomphal plein d’ocres et d’azurs,
Les horizons du soir s’ouvrent larges et purs…

Collection: 
1897

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