D’après de véridiques
Fabriquants de chroniques,
Marchands de statistiques
Les plus accrédités,
Il paraît, chères femmes,
Délices de nos âmes,
Clous de tous nos programmes,
Que vous longévitez.
Tandis nous, pauvres hommes,
Éphémères nous sommes,
Et n’atteignons en somme
Que rarement cent ans.
Vous autres, quelle veine !
À prendre la moyenne,
Vous arrivez sans peine
À vivre cent printemps !
Voilà qui me renverse,
Qui met ma tête en perce,
Moi qui croyais l’inverse,
Ô mousmés ! ô nounous !
Lorsque j’en vois sans cesse
De votre rare espèce,
En plein cœur de jeunesse
Mourir autour de nous.
Enfin, je veux l’admettre,
Si l’affirment les maîtres ;
Cela ne saurait m’être
Autrement à souci.
Vivez donc davantage,
Vivez cent fois notre âge…
Ah ! le triste avantage,
S’il en était ainsi !
Mais non, pauvres petites,
Vous vivez décrépites.
Mais vous faites faillite
Beaucoup plus tôt que nous.
Il faut vous battre en brêche,
Il faut qu’on se dépêche
De baiser vos chairs fraîches,
D’embrasser vos genoux.
Quand on pense, insensées,
À vos heures dansées…
Follement dépensées,
À tout ce temps perdu
À ne jamais vous taire ;
Un laps supplémentaire
D’existence sur terre
Parbleu ! vous est bien dû !
À tous vos maquillages,
À tous vos habillages
Et vos déshabillages
Du matin jusqu’au soir ;
Vous qui êtes venues
Au monde toutes nues,
Et qui êtes connues
Pour ainsi mieux valoir !
C’est vrai que dans vos livres
Vous appelez ça vivre !
Ô propos de femme ivre !
Mais je le dis bien haut,
Il faut que votre vie
Vous soit très tard ravie,
Que Dieu la vivifie
D’un léger rabiot.
Il serait donc injuste,
Sexe trois fois vénuste
Auprès du nôtre fruste,
S’il vous le refusait ;
Car le Seigneur vous aime,
Vous êtes son poème
Définitif, suprême,
Avec ou sans corset…