Litanies

 
J’entends toujours les grands Sanctus de ma jeunesse
Qu’à Pâques ou Noël on chantait à la messe.

Je les entends en moi, comme des voix d’absents,
Et mon âme se meurt du regret de l’encens.

Mon souvenir repeint les anciennes verrières
Et cherche à renouer l’écheveau des prières.

Sanctus ! Sanctus Deus ! et du haut du jubé
Le chant des soprani lentement est tombé,

Si tendre qu’on dirait des chansons de fontaines
Pleurant au clair de lune en des vasques lointaines.

Sanctus ! le chœur entier reprend sur le même air
Et l’orgue brusquement s’enfle comme la mer !

Sanctus ! les violons sous l’archet qui les frôle
Ont les frissons d’un lac caressé par un saule,

Flots menus se suivant et mourant tour à tour
Qui tombent dans l’église et monte dans la tour.

Sanctus ! Sanctus Deus ! Bonheur que rien n’égale !
Toute l’âme a sombré dans cette eau musicale.

On prie, on pleure, on la tête dans ses mains
On sent fleurir en soi des désirs surhumains,

De combattre pour Dieu, de mourir pour l’église,
Sanctus ! Tandis qu’au loin le chœur se tranquillise.

Et comme dans un rêve on cause avec Jésus
Pour qu’il daigne bénir les plans qu’on a conçus ;

On cause avec la vierge, à genoux, à pleine âme,
Car on aime encor plus, elle ― puisqu’elle est femme.

Et l’on voudrait mourir, tant c’est délicieux
D’avoir le tremblement des cierges dans les yeux.

Collection: 
1913

More from Poet

L'hostie est comme un clair de lune dans l'église.
Or les songeurs errants et les extasiés
Qui vont par les jardins où dans une ombre grise
Des papillons fripés meurent sur les rosiers,

Ceux que la nuit pieuse a pour catéchumènes
Regardant l'astre à la chevelure d'...

On aura beau s'abstraire en de calmes maisons,
Couvrir les murs de bon silence aux pâles ganses,
La vie impérieuse, habile aux manigances,
A des tapotements de doigts sur les cloisons.

Dans des chambres sans bruit on aura beau s'enclore,
On aura beau vouloir, comme...

Ses yeux où se blottit comme un rêve frileux,
Ses grands yeux ont séduit mon âme émerveillée,
D'un bleu d'ancien pastel, d'un bleu de fleur mouillée,
Ils semblent regarder de loin, ses grands yeux bleus.

Ils sont grands comme un ciel tourmenté que parsème
- Par les...

Ah ! Vous êtes mes soeurs, les âmes qui vivez
Dans ce doux nonchaloir des rêves mi-rêvés
Parmi l'isolement léthargique des villes
Qui somnolent au long des rivières débiles ;

Ames dont le silence est une piété,
Ames à qui le bruit fait mal ; dont l'amour n'aime...

Seuls les rideaux, tandis que la chambre est obscure,
Tout brodés, restent blancs, d' un blanc mat qui figure
Un printemps blanc parmi l'hiver de la maison.
Sur les vitres, ce sont des fleurs de guérison

Pareilles dans le soir à ces palmes de givre
Que sur les...