Liminaire

 
Avec son cœur qui demeure comme aux écoutes
Dans la plaine natale où son rêve se plaît,
Le gars va, vient, s’arrête et fait claquer son fouet
Et puis repart, sait-il vers où, par la grand’route.

Autour de lui, là-bas, les grands carrés de blé
Étincellent, tranquillement, sous la lumière ;
De hauts thyrses de fleurs montent près des chaumières ;
Un chêne énorme et seul dont les rameaux ailés
Se soulèvent et s’abaissent sur les pâtures
Semble garder le trésor clair des orges mûres ;
Un ruisselet rapide et vif comme le vent
Remplit le franc midi d’un bruissement vivant ;
Des attelages d’or traversent la campagne
Avec de grands harnais de cuivre et de soleil,

Et les foins étages et les charrois vermeils
Passent à l’horizon ainsi que des montagnes.

Le gars pense à sa Flandre avec des pleurs aux yeux.
Le soir, il voit Ia ville illuminer les cieux.
Il sait qu’un autre esprit que le rêve des pères
S’implantera un jour aux clos héréditaires
Et que les bras sont lourds quand est vieux le cerveau.
Il songe il ne sait pas à quels espoirs nouveaux.
Il doute, il croit, il est ardent et il est triste ;
Il sent que dans son âme une âme lui résiste ;
Soudain son corps s’affale aux pentes d’un fossé,
Le sang lui bat et les tempes et les narines.
Alors, mettant à nu sa farouche poitrine
Et l’appuyant sur le sol dur et crevassé,
Longuement, sourdement, dans ce coin solitaire,
Les poings serrés, il sanglote contre la terre.

Collection: 
1933

More from Poet

Le corps ployé sur ma fenêtre,
Les nerfs vibrants et sonores de bruit,
J'écoute avec ma fièvre et j'absorbe, en mon être,
Les tonnerres des trains qui traversent la nuit.
Ils sont un incendie en fuite dans le vide.
Leur vacarme de fer, sur les plaques des ponts,...

Lorsque la pourpre et l'or d'arbre en arbre festonnent
Les feuillages lassés de soleil irritant,
Sous la futaie, au ras du sol, rampe et s'étend
Le lierre humide et bleu dans les couches d'automne.

Il s'y tasse comme une épargne ; il se recueille
Au coeur de la...

D'énormes espaliers tendaient des rameaux longs
Où les fruits allumaient leur chair et leur pléthore,
Pareils, dans la verdure, à ces rouges ballons
Qu'on voit flamber les nuits de kermesse sonore.

Pendant vingt ans, malgré l'hiver et ses grêlons,
Malgré les gels...

Les horizons cuivrés des suprêmes automnes
Meurent là-bas, au loin, dans un carnage d'or.
Où sont-ils les héros des ballades teutonnes
Qui cornaient, par les bois, les marches de la Mort ?

Ils passaient par les monts, les rivières, les havres,
Les burgs - et...

Oh ! la maison perdue, au fond du vieil hiver,
Dans les dunes de Flandre et les vents de la mer.

Une lampe de cuivre éclaire un coin de chambre ;
Et c'est le soir, et c'est la nuit, et c'est novembre.

Dès quatre heures, on a fermé les lourds volets ;
Le mur est...