LâÃden resplendissait dans sa beauté première.
Ãve, les yeux fermés encore à la lumière,
Venait dâêtre créée, et reposait, parmi
Lâherbe en fleur, avec lâhomme auprès dâelle endormi ;
Et, pour le mal futur quâen enfer le Rebelle
Méditait, elle était merveilleusement belle.
Son visage très pur, dans ses cheveux noyé,
Sâappuyait mollement sur son bras replié
Et montrant le duvet de son aisselle blanche ;
Et, du coude mignon à la robuste hanche,
Une ligne adorable, aux souples mouvements,
Descendait et glissait jusquâà ses pieds charmants.
Le Créateur était fier de sa créature :
Sa puissance avait pris tout ce que la nature
Dans lâexquis et le beau lui donne et lui soumet,
Afin dâen embellir la femme qui dormait.
Il avait pris, pour mieux parfumer son haleine,
La brise qui passait sur les lys de la plaine ;
Pour faire palpiter ses seins jeunes et fiers,
Il avait pris le rythme harmonieux des mers ;
Elle parlait en songe, et pour ce doux murmure
Il avait pris les chants dâoiseaux sous la ramure ;
Et pour ses longs cheveux dâor fluide et vermeil
Il avait pris lâéclat des rayons du soleil ;
Et pour sa chair superbe il avait pris les roses.
Mais Ãve sâéveillait ; de ses paupières closes
Le dernier rêve allait sâenfuir, noir papillon,
Et sous ses cils baissés frémissait un rayon.
Alors, visible au fond du buisson tout en flamme,
Dieu voulut résumer les charmes de la femme
En un seul, mais qui fût le plus essentiel,
Et mit dans son regard tout lâinfini du ciel.