Les Soleils de Mai

 
D’un souffle virginal le plus aimé des mois
Emplit l'air ; le lilas aux troncs moussus des bois
         Suspend sa grappe parfumée ;
Les oiseaux sont joyeux et chantent le soleil ;
Tout sourit ; du printemps, tout fête le réveil :
         Toi seule es triste, ô bien-aimée !

« Pourquoi ces yeux rêveurs et ce regard penché ?
De quel secret ennui ton cœur est-il touché ?
         Qu'as-tu ma grande et pâle Amie,
Qu'as-tu ? Vois ce beau ciel sourire et resplendir !
Oh ! souris-moi ! Je sens mon cœur s’épanouir
         Avec la terre épanouie.

« Sur le cours bleu des eaux, au flanc noir de la tour,
Regarde ! l'hirondelle est déjà de retour.
         Ailes et feuilles sont décloses.
C'est la saison des fleurs, c'est la saison des vers.
C'est le temps où dans l'âme et dans les rameaux verts
         Fleurissent l'amour et les roses.

« Soyons jeunes ! fêtons le beau printemps vainqueur !
Quand on est triste, Amie, il fait nuit dans le cœur ;
         La joie est le soleil de l'âme !
Oublions ce que l'homme et la vie ont d'amer !
Je veux aimer pour vivre et vivre pour aimer,
         Pour vous aimer, ma noble Dame !

« Loin de nous les soucis, belle aux cheveux bruns !
Enivrons-nous de brise, et d'air et de parfums,
         Enivrons-nous de jeunes sèves !
Sur leurs tiges cueillons les promesses des fleurs !
         Assez tôt reviendront l'hiver et ses rigueurs
Flétrir nos roses et nos rêves ! »

Et, tandis qu’il parlait, muette à ses côtés,
Marchait la grande Amie aux regards veloutés ;
         Son front baigné de rêverie
S’éclairait à sa voix d'un doux rayonnement ;
Et, lumière de l’âme, un sourire charmant
         Flottait sur sa lèvre fleurie.

Collection: 
1835

More from Poet

 
Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
Tu l’aidas de sa croix à porter le fardeau ;
Et que, sourd aux instincts d’une opulence avare,
Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare
       Des plis...

 
LA MÈRE

Pourquoi jeter ta voix si paisible et si douce
A travers ces rumeurs d'un siècle aux fortes voix ?
Ami, crois-moi, résiste au démon qui te pousse ;
Laisse tes faibles chants, comme l'eau sur la mousse
Laisse tes chants couler à l'ombre de nos...

 
La vipère du mal a mordu ta pensée,
Poète, et dans ton sein la colombe blessée
Palpite. Apaise-toi ; ferme ton noble cœur
Aux stériles conseils d’une aveugle douleur.
Souffre ; laisse venir les heures vengeresses.
Mais pour le Mal alors plus de pitiés...

 
Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle,
Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ;
Toi dont l’âme charmante et les songes premiers
Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle
         Des bengalis et des ramiers !

O douce enfant ! ta vie...

 
Loin d’ici veux-tu fuir ? pauvre couple enchaîné,
Veux-tu nous envoler vers l’île où je suis né ?
Je suis las de contrainte et de ruse et d’entrave.
Le ciel ne m’a point fait avec un cœur d’esclave !
Me cacher pour te voir, pour t’aimer, ô tourment !
Je veux...