Les Cloches du soir

 
Quand des cloches du soir la voix mélancolique
Rappelle à sons plaintifs, sous leur chaume rustique,
Le pâtre et ses troupeaux dans les champs dispersés ;
De mes ans révolus le souvenir s'éveille ;
Et dans les voix du soir je crois prêter l'oreille
A la voix de mes jours passés.

Où sont mes jeux d'enfant ? Craintives hirondelles,
Vers des climats d'azur ouvrant leurs faibles ailes,
Avec mes beaux printemps ils se sont envolés ;
Ils ont craint des hivers les haleines trop rudes...
Oh ! revenez parfois peupler mes solitudes
Doux fantômes des jours passés !

Où sont mes compagnons d'amour et de jeunesse ?
Le ciel qui les aimait a trahi sa promesse ;
Les meilleurs dans la mort reposent embrassés ;
De ceux qui restent l'âme est oublieuse et fière...
Rappelez à mon cœur leur tendresse première
Douces voix de mes jours passés !

Où donc est cette enfant toute blonde et naïve
Que j'aimais jeune encor d'une amitié si vive ?
Du sentier des douleurs ses pas sont effacés ;
Et des cloches du soir, dans ta sombre demeure,
Tu n'entends plus la voix qui vibre et qui te pleure,
Doux sylphe de mes jours passés !

O cloche, qui jadis, comme une sainte mère,
Me rappelais la nuit pour dire ma prière ;
Quand la chaleur fuira de mes membres glacés,
Que ton accent plaintif m'arrive et me console ;
Au ciel avec tes sons que mon âme s'envole,
Douce voix de mes jours passés !

Collection: 
1835

More from Poet

  •  
    Puisque en tes jours bénis de gloire et de puissance,
    Du pauvre jusqu’à toi franchissant la distance,
    Tu l’aidas de sa croix à porter le fardeau ;
    Et que, sourd aux instincts d’une opulence avare,
    Toi, prince, tu couvris les membres de Lazare
           Des plis...

  •  
    LA MÈRE

    Pourquoi jeter ta voix si paisible et si douce
    A travers ces rumeurs d'un siècle aux fortes voix ?
    Ami, crois-moi, résiste au démon qui te pousse ;
    Laisse tes faibles chants, comme l'eau sur la mousse
    Laisse tes chants couler à l'ombre de nos...

  •  
    La vipère du mal a mordu ta pensée,
    Poète, et dans ton sein la colombe blessée
    Palpite. Apaise-toi ; ferme ton noble cœur
    Aux stériles conseils d’une aveugle douleur.
    Souffre ; laisse venir les heures vengeresses.
    Mais pour le Mal alors plus de pitiés...

  •  
    Marie, ô douce enfant aux grands yeux de gazelle,
    Qui naquis sur un sol où croissent les palmiers ;
    Toi dont l’âme charmante et les songes premiers
    Se sont ouverts, bercés à la voix fraternelle
             Des bengalis et des ramiers !

    O douce enfant ! ta vie...

  •  
    Loin d’ici veux-tu fuir ? pauvre couple enchaîné,
    Veux-tu nous envoler vers l’île où je suis né ?
    Je suis las de contrainte et de ruse et d’entrave.
    Le ciel ne m’a point fait avec un cœur d’esclave !
    Me cacher pour te voir, pour t’aimer, ô tourment !
    Je veux...