Les Étoiles mortelles

Un soir d’été, dans l’air harmonieux et doux,
          Dorait les épaisses ramures ;
Et vous alliez, les doigts rougis du sang des mûres,
          Le long des frênes et des houx.

Ô rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes,
          Cœurs d’or rendant le même son,
Vous écoutiez en vous la divine chanson
          Que la vie emplit de mensonges.

Ravis, la joue en fleur, l’œil brillant, les pieds nus,
          Parmi les bruyères mouillées
Vous alliez, sous l’arome attiédi des feuillées,
          Vers les paradis inconnus.

Et de riches lueurs, comme des bandelettes,
          Palpitaient sur le brouillard bleu,
Et le souffle du soir berçait leurs bouts en feu
          Dans l’arbre aux masses violettes.

Puis, en un vol muet, sous les bois recueillis,
          Insensiblement la nuit douce
Enveloppa, vêtus de leur gaine de mousse,
          Les chênes au fond des taillis.

Hormis cette rumeur confuse et familière
Qui monte de l’herbe et de l’eau,
Tout s’endormit, le vent, le feuillage, l’oiseau,
          Le ciel, le vallon, la clairière.

Dans le calme des bois, comme un collier divin
          Qui se rompt, les étoiles blanches,
Du faîte de l’azur, entre les lourdes branches,
          Glissaient, fluides et sans fin.

Un étang solitaire, en sa nappe profonde
          Et noire, amoncelait sans bruit
Ce trésor ruisselant des perles de la nuit
          Qui se posaient, claires, sous l’onde.

Mais un souffle furtif, troublant ces feux épars
          Dans leur ondulation lente,
Fit pétiller comme une averse étincelante
          Autour des sombres nénuphars.

Chaque jet s’épandit en courbes radieuses,
          Dont les orbes multipliés
Allumaient dans les joncs d’un cercle d’or liés
          Des prunelles mystérieuses.

Le désir vous plongea dans l’abîme enchanté
          Vers ces yeux pleins de douces flammes ;
Et le bois entendit les ailes de vos âmes
          Frémir au ciel des nuits d’été !

Collection: 
1886

More from Poet


  • ...

  •  
    LE THÉRAPEUTE.

    O sainte et vieille Égypte, empire radieux,
    Impénétrable temple où se cachaient les dieux,
    O terre d'Osiris, ô reine des contrées,
    Heureux qui vit le jour dans tes plaines sacrées !
    Bienheureux l'étranger ! — Vînt-il des bords aimés
    Où...

  •  

    Certes, ce monde est vieux, presque autant que l’enfer.
    Bien des siècles sont morts depuis que l’homme pleure
    Et qu’un âpre désir nous consume et nous leurre,
    Plus ardent que le feu sans fin et plus amer.

    Le mal est de trop vivre, et la mort est...

  • Ô mon Seigneur Christus ! hors du monde charnel
    Vous m’avez envoyé vers les neuf maisons noires :
    Je me suis enfoncé dans les antres de Hel.

    Dans la nuit sans aurore où grincent les mâchoires,
    Quand j’y songe, la peur aux entrailles me mord !
    J’ai vu lâ...

  • Tandis qu’enveloppé des ténèbres premières,
    Brahma cherchait en soi l’origine et la fin,
    La Mâyâ le couvrit de son réseau divin,
    Et son cœur sombre et...